Cloclo
France, 2011
De Florent Emilio Siri
Scénario : Julien Rappeneau
Avec : Ana Girardot, Camille Japy, Benoît Magimel, Jérémie Renier
Photo : Giovanni Fiore Coltellacci
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 2h28
Sortie : 14/03/2012
Cloclo, c’est le destin tragique d’une icône de la chanson française décédée à l’âge de 39 ans, qui plus de trente ans après sa disparition continue de fasciner. Star adulée et business man, bête de scène et pro du marketing avant l’heure, machine à tubes et patron de presse, mais aussi père de famille et homme à femmes… Cloclo ou le portrait d’un homme complexe, multiple ; toujours pressé, profondément moderne et prêt à tout pour se faire aimer.
JE SUIS LE MAL AIME
Satané genre que le biopic, exercice souvent maudit par les cinéphiles tant les films tendent à se ressembler, suivant tous un même schéma, ce qui devrait être paradoxal étant donné qu'il s'agit à chaque fois d'histoires vraies, de personnalités "uniques", et pourtant, on retrouve toujours les mêmes troubles, les mêmes démons à combattre, la même envie de gagner et donc au final, la même success story improbable. On ne va pas se mentir, sur certains points, Cloclo ne déroge pas à la règle. Heureusement, Claude François n'a jamais été accro à la drogue ou alcoolo, ce qui nous évite déjà bien des passages obligés. Toutefois, il souffrait, comme beaucoup d'autres, d'un conflit avec son père, à qui il n'aura de cesse de vouloir prouver sa valeur. Une thématique tout à fait honorable mais le problème c'est la relative grossièreté avec laquelle ces prémisses sont dépeintes, réduites au strict minimum nécessaire pour poser les fondations sur lesquelles va se bâtir le protagoniste, et sans doute un peu trop torchées en deux-trois clichés de cuillère à pot pour atteindre le caractère iconique qui aurait pu pallier à cette simplification. Néanmoins, juste avant de devoir se farcir ce premier acte un peu pénible, le film a laissé entrevoir ce dont il était capable avec une ouverture sur des images muettes du chanteur sur scène, beaucoup plus tard dans sa carrière, déjà pris dans le tourbillon qui le perdra, promis par la mise en scène et la narration, avant même sa naissance à l'écran, au destin qu'il connaîtra. Cette introduction, c'est le premier de nombreux moments parcourant ce film de 2h28 qui sauront s'extraire du piège téléfilmesque de l'accumulation de faits, malgré une structure linéaire qui risque de tomber dans l'article Wikipédia mis en image. Cela permet toutefois un crescendo tangible efficace, évitant de se perdre dans une construction inutilement éclatée façon La Môme. On pourra admirer la démarche de Florent Emilio Siri qui fait le pari d'une durée épique et d'un récit exhaustif même si cela implique qu'il soit forcément inégal et longuet. Néanmoins, le cinéaste parvient à proposer quelque chose, à s'extirper d'une approche trop lisse, à donner l'impression que l'on est devant un film de cinéma et non un docu-fiction avec des acteurs déguisés en gens célèbres, façon La Conquête.
CA S'EN VA ET CA REVIENT
Si Cloclo commence un peu de cette manière, l'ouvrage va en se bonifiant. Au fur et à mesure que le chanteur devient célèbre, que Rénier se fait de plus en plus ressemblant, et que le personnage montre peu à peu ses facettes les plus effrayantes, la trame se fait de plus en plus fascinante. Le film ne fait pas l'impasse sur la part d'ombre de la star et l'on est subjugué de découvrir tour à tour Claude François le complexé, Claude François le jaloux tout droit sorti de Confessions intimes, Claude François le frustré, Claude François le manipulateur, Claude François le détourneur de mineur, Claude François l'infidèle, Claude François le harceleur, Claude François le malade mental qui cache l'un de ses enfants... On salue donc l'audace du film, pourtant produit par les fils de la vedette, de montrer ces moments plus sombres, sans condamner ni pardonner, ni tomber dans une ambiguïté morale peureuse. Le réalisateur ne refait pas l'erreur de son scolaire et didactique L'Ennemi intime. Le film le montre comme il était, un homme manquant gravement de confiance en soi, qui va se vendre, dans tous les sens du terme, au public, au monde, et donc profondément perturbé, explosant parfois dans des actes dégueulasses, un mec qui a passé sa vie à copier les américains pour toucher à la gloire et qui finit consacré lorsqu'un américain, et pas n'importe lequel, le copie lui. Dans ces moments-là, Cloclo se fait vraiment fort et touchant. Surtout quand Siri parvient à l'illustrer par sa mise en scène, un plan-séquence par-ci, une évasion onirique par là... Il y a vraiment de bonnes choses, comme l'utilisation des chansons, leur intégration dans le récit, surtout que la musique d'Alexandre Desplat est franchement lourdingue. C'est pourquoi l'on regrette finalement que le film se termine sur des séquences moins poignantes - la faute à la linéarité et à l'exhaustivité de la narration - et ce malgré la mort de Cloclo, mise en scène de manière un peu vulgaire. Malgré ses maladresses, Cloclo, à l'instar de son chanteur éponyme, parvient à séduire.