Le Cinquième pouvoir

Le Cinquième pouvoir
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Cinquième pouvoir (Le)
Fifth Estate (The)
États-Unis, 2013
De Bill Condon
Scénario : Josh Singer
Avec : Benedict Cumberbatch
Photo : Tobias A. Schliessler
Musique : Carter Burwell
Durée : 2h08
Sortie : 04/12/2013
Note FilmDeCulte : **----
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En rendant publics des documents confidentiels, ils ont fait vaciller les plus grands pouvoirs de la planète. La révélation d’informations ultra-secrètes explosives a mis en lumière un monde jusque-là inconnu. WikiLeaks a changé la donne à jamais. Comment Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, et Daniel Domscheit-Berg, ont-ils pu obtenir ces documents ? Comment est né leur site qui, en quelques mois, a réussi à révéler bien plus de secrets que tous les plus grands médias officiels réunis ?

JULIAN ASSHOLE

Lorsque l'on critique un film, on préférerait ne pas avoir à le comparer à un autre, en bien ou en mal, tant l'exercice peut être malhonnête. Toutefois, quand un long métrage paraît plus ou moins avoir été initié, puis conçu, et finalement vendu comme le calque d'un modèle à succès, la comparaison est trop tentante. Dès le départ, Le Cinquième pouvoir s'est présenté comme le The Social Network de Wikileaks, à savoir un film sur un tandem qui se forme dans un élan révolutionnaire entre un gentil idéaliste et un connard de génie qui va irrémédiablement aller trop loin et se brouiller avec son seul ami à cause de sa propre parano. Le problème, c'est que The Social Network est tout ce que Le Cinquième pouvoir n'est pas. David Fincher et Aaron Sorkin signaient un drame sans esbroufe, intime et mélancolique, axé sur des personnages et adoptant principalement le point de vue de la figure la plus intéressante de l'histoire, Mark Zuckerberg. Bill Condon, amateur de biopics (James Whale, Alfred Kinsey et les Supremes) revient vers son genre de prédilection après avoir réalisé les deux derniers Twilight. Mais en s'associant au scénariste Josh Singer (qui, dans une coïncidence amusante, se trouve être l'un des scénaristes ayant œuvré sur À la Maison Blanche après le départ de son créateur Aaron Sorkin), le cinéaste accouche d'un sous-thriller de genre, grossier et factuel, vu à travers les yeux de celui qui incarne dans cette histoire "la voix de la raison", Daniel Berg. Le résultat apparaît alors bien plus manichéen que ne l'auraient souhaité ses créateurs, à en croire leurs interviews. Si l'on excepte un double épilogue où les personnages sont contraints par le scénario - qui a échoué jusque là à exprimer un point de vue sur son sujet - d'expliciter l'arc du personnage et le propos de l’œuvre de façon didactique, le portrait que le film dépeint de Wikileaks et de son créateur est plus négatif qu'ambigu.

WEAK-ASS LEAKS

Selon ces dernières répliques, c'est l'ego d'Assange qui a conduit à sa perte. Et juste après, Assange, sous les traits de Cumberbatch, toujours impeccable, s'adresse à la caméra pour intimer au spectateur de chercher la vérité pour lui-même? Un peu facile. Tout la complexité qui caractérisait The Social Network et son protagoniste est absente ici, les questions personnelles ou politiques n'étant jamais approfondies. Était-ce son égo ou une divergence éthique? Le film n'en a semblablement que faire. "Il voulait exposer les secrets de tout le monde mais garder les siens." Une note d'intention clamée par un personnage à la fin mais que le film n'explore pas du tout, excepté lors d'un flashback vulgaire. Condon n'a visiblement pas confiance dans l'écriture, contrairement à Fincher qui l'illustrait d'une mise en scène sobre, et ne peut s'empêcher donc de tout exacerber. L'approche ostentatoire et lourde de sens n'est pas nécessairement incompatible avec le genre, il suffit de voir les films qu'Oliver Stone a pu faire sur ce genre de sujets, JFK en tête, mais l'habillage paraît ici souvent combler un vide. Et ne fait jamais illusion. On retiendra cette espèce de projection mentale de la newsroom de Wikileaks, parce qu'il s'agit d'une proposition formelle intéressante, ou du moins jusqu'au-boutiste, mais le reste du temps, la mise en scène est aussi superficielle que le scénario. Jamais elle ne parvient à communiquer le poids des événements. Difficile de considérer Internet et des sites tels que Wikileaks comme "le cinquième pouvoir" tant le film ne fait jamais preuve du gravitas qui devrait accompagner ces faits pourtant historiques. The Social Network était plus qu'un "film sur Facebook". Le Cinquième pouvoir n'est qu'un film sur Wikileaks. Et certainement pas le meilleur.

par Robert Hospyan

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