Cindy, the Doll Is Mine
France, 2005
De Bertrand Bonello
Scénario : Bertrand Bonello
Avec : Asia Argento
Durée : 15m
Sortie : 28/09/2005
Une photographe demande à son modèle de pleurer. Mais les larmes ne viennent pas.
BELLE A PLEURER
La première est brune, un peu garçonne. La seconde est blonde, apprêtée, un peu désemparée. D’une pâleur inquiète, elle porte un bandage autour du poignet. Les yeux rivés vers l’objectif, le visage défait, presque estompé. Les deux femmes, la photographe et son modèle, ont les traits d’Asia Argento. L’actrice creuse un fascinant abîme dans une suite de champs / contrechamps d’une éloquente simplicité. Le temps d’un court métrage, Bertrand Bonello rend hommage à Cindy Sherman (cf la galerie photo ci-dessus), à sa duplicité trouble, ses étranges artifices, mais aussi à la singulière personnalité d’Asia Argento, actrice-réalisatrice familière de la mise à nu et de l’autoportrait distancié. Le dialogue entre le sujet intransigeant (la brune) et l’objet du désir apeuré (la blonde) a des allures de soliloque, les chuchotements sont voués à la confusion. Un fil ténu sépare les protagonistes mais les deux mondes distincts, celui de la création et celui de la créature, s’emboîtent aisément. La photographe se projette dans une poupée grandeur nature, mais ne parvient à en définir les contours, ni à en saisir la fragilité. Elle lui demande de pleurer, mais la poupée refuse de s’abandonner. Il était déjà question de dédoublements et de trocs identitaires dans Tiresia. Hypnotisé par la beauté de sa captive transsexuelle, Terranova la regarde se métamorphoser et s’altérer sous ses yeux. Cindy, the Doll Is Mine touche à l’essence même du cinéma de Bonello. La structure bipartite de Tiresia resurgit sous une forme miniature. L’artiste en mal d’inspiration ravive le souvenir du réalisateur contrarié du Pornographe, entre la soumission et la tyrannie, face à un genre qu’il ne maîtrise pas. Les yeux rougis de la poupée ou les yeux crevés de Tiresia, l’attente du cinéaste démiurge est la même. Perforer une surface triviale, voler une émotion et entrer par effraction dans l’univers douloureux d’une créature enfin apprivoisée.
En savoir plus
Présenté hors compétition au Festival de Cannes 2005, le court métrage de Bertrand Bonello bénéficie d'une sortie en salles, il est actuellement diffusé au mk2 Beaubourg. Chaque séance coûte 1€.