Cienaga (La)
, 2001
De Lucrecia Martel
Scénario : Lucrecia Martel
Avec : Martin Adjemian, Leonara Barcarce, Sylvia Baylé, Graciela Borges, Juan Cruz Bordeu, Mercedes Moran
Durée : 1h42
Sortie : 09/01/2002
Canicule dans un village argentin. Tali et Mecha, deux mères de familles nombreuses, vont se rapprocher suite à une série d'accidents, et réveiller quelques conflits personnels.
MARTEL EN TÊTE
Premier choc de l'année 2001, La Ciénaga frappe fort. Expérience de cinéma brute, vision esthétique d'une région en décomposition, Lucrécia Martel a préféré privilégier la sensation, et plus précisément une incontestable sensualité, à un choix narratif classique. Succession elliptique de scènes suggestives jouant sur une accumulation d'impressions, provoquant une fascination hybride exacerbée par un climat oppressant, La Ciénaga envoûte littéralement par son bizarre a priori repoussant. Mais ce lot de mutilations et de paysages en putréfaction, moites, bouffés par la chaleur, finissent par tourner à la fantasmagorie - sinon au surnaturel. Par la grâce d'une photographie magnifique et angoissante, paradoxalement, cette laideur en devient attirante, envoûtante, telle une suave tiédeur estivale. Les humides tensions se font palpables, les corps souffrent au-delà des êtres, en une communion organique révulsante. Une scène, notamment, marque, à elle seule, définitivement la rétine et résume ces répugnances charnelles: une mère ivre titube au bord de la piscine, s'effondre, son verre se brise, lacérant au passage sa gorge, sous le regard effaré des siens. Pathétique, obscène, cette séquence focalise l'attention par ses débordements liquides - de sang, de vin, de larmes. Mais le film brise également dans la même foulée quelques tabous laissés à l'appréciation du spectateur, comme une tentation de l'inceste ou d'attirance homosexuelle entre une fillette et sa domestique, jamais explicitement annoncés, amplifiant ainsi un climax transpirant et réflexif, authentique miracle troublant qui hante les pires recoins de notre imagination.