César doit mourir

César doit mourir
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César doit mourir
Cesare deve morire
Italie, 2012
De Paolo Taviani, Vittorio Taviani
Scénario : Paolo Taviani, Vittorio Taviani
Photo : Simone Zampagni
Musique : Giuliano Taviani, Carmelo Travia
Durée : 1h16
Sortie : 17/10/2012
Note FilmDeCulte : *-----
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Théâtre de la prison de Rebibbia. La représentation de "Jules César" de Shakespeare s’achève sous les applaudissements. Les lumières s’éteignent sur les acteurs redevenus des détenus. Ils sont escortés et enfermés dans leur cellule. Mais qui sont ces acteurs d’un jour ? Pour quelle faute ont-ils été condamnés et comment ont-ils vécu cette expérience de création artistique en commun ? Inquiétudes, jeu, espérances... Le film suit l’élaboration de la pièce, depuis les essais et la découverte du texte, jusqu’à la représentation finale. De retour dans sa cellule, "Cassius", prisonnier depuis de nombreuses années, cherche du regard la caméra et nous dit : "Depuis que j’ai connu l’art, cette cellule est devenue une prison."

L’OURS DORT

Il fut un temps pas si éloigné où l’Ours d’Or de la Berlinale venait récompenser des films forts et marquants, des succès à la fois critiques et publics tels que La Ligne rouge, Magnolia ou Le Voyage de Chihiro. Ces dernières années, la tendance s’est inversée, venant placer sur les plus hautes marches du podium des films où le sujet et le message priment sur les qualités cinématographiques, où l’idée l’emporte sur l’exécution. Une manière de vouloir mettre en valeur des œuvres politiques mais qui finit surtout par confondre prix artistique et médaille du mérite. Comme si un prix dans un festival de cinéma n’était au fond qu’une bourse scolaire, attribuée aux plus méritants. Il n’est pas question de sous-entendre ici que les cinématographies de pays émergents ne font pas le poids par rapports aux réalisateurs-stars, mais en l’occurrence, qui se rappelle des qualités purement cinématographiques de Carmen, Sarajevo mon amour ou encore Fausta, précédents lauréats berlinois ?

L’Ours d’or 2012 vient hélas s’inscrire dans cette tendance maladroite. Les frères Taviani (Palme d’or en 1977 avec Padre Padrone) auraient pu réaliser un sacré come-back, mais il n’y a rien dans César doit mourir qui ne soit pas complètement ringard. Que ce soit la musique au saxophone qui rappelle ironiquement des productions érotiques des années 80 ou le procédé-même de mise en scène, alternant lourdement noir et blanc du quotidien et couleur pour les scènes d’espoir. César doit mourir part d’une idée intéressante mais n’en fait rien. Le parallèle entre les citoyens de Rome subissant la tyrannie de César et les détenus rejouant leur histoire est bien là, mais le scénario ou la mise en scène ne rebondissent jamais dessus, ne développent aucune nouvelle idée. On reste face à une note d’intention et le film n’évoluera pas d’un iota entre sa première et sa dernière scène. Quand un des prisonniers déclare face caméra, l’œil humide, « Depuis que j'ai découvert l'art, cette cellule est véritablement devenue une prison », on a du mal à digérer que les Taviani aient cru avoir besoin de surligner ce qui était déjà lourdement évident. Mais il faut se pincer encore plus fort pour ne pas tiquer devant l’esthétique de cette scène, en lent travelling sur le visage du détenu, comme dans un spot préventif télévisé contre la drogue.

D’ailleurs César doit mourir n’est pas entièrement un documentaire, dans le sens où même les scènes où les détenus discutent entre eux sont écrites, scénarisées (et jouées de manière un peu trop théâtrale pour qu’on y croit). Aucune scène n’est prise sur le vif, et si le théâtre et la vraie vie se retrouvent mis au même niveau, c’est au prix d’un manque total de naturel. Le film n’est pourtant pas une fiction pour autant, on est ni face à une captation de la pièce de Shakespeare ni face à l’histoire de ces prisonniers. Cet entre-deux pourrait passer pour quelque chose de particulièrement stimulant s’il semblait véritablement maitrisé. Or il n’y a dans le film aucune preuve d’adresse suffisante pour avoir des raisons de le croire. Malgré son manque de subtilité et de vie (c’est quand même un comble pour un documentaire sur l’art vivant), César doit mourir n’a rien de honteux, mais il reste complètement déconnecté de toute modernité cinématographique. Qu’un tel film puisse être primé en 2012 dans l’un des plus grands festivals du monde révèle d’un anachronisme assez déprimant.

par Gregory Coutaut

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