Ceci n'est pas un film
In Film Nist
Iran, 2011
De Mojtaba Mirtahmasb, Jafar Panahi
Durée : 1h51
Sortie : 28/09/2011
Un jour de la vie d'un réalisateur iranien Jafar Panahi, avant la fête du nouvel an iranien.
UN FILM PARLÉ
Ceci n’est pas un film n’est pas un film de Jafar Panahi, il s’agit d’un documentaire sur son incapacité à réaliser un film de par sa situation judiciaire. Au moment du tournage, il n’est pas encore en prison mais est néanmoins contraint à rester chez lui. Il attend des nouvelles de son avocate et s’entretient avec Mojtaba Mirtahmasb d’un film qu’il souhaiterait réaliser (et qui, hasard ou pas, traite d’une jeune fille enfermée chez elle par ses parents). Le titre peut donc s’entendre comme ceci n’est pas film mais un témoignage. Passée cette présentation, on pouvait craindre que le film n’ait été sélectionné à Cannes pour des raisons autres que strictement cinématographiques, pour le symbole fort de pouvoir présenter un film d’un homme entre-temps condamné à ne justement plus pouvoir réaliser de films pendant vingt ans. Le début du long métrage fait craindre le pire, alors que Jafar Panahi se contente de lire son scénario et de mimer des scènes devant la caméra, mais la suite vient heureusement contredire ces craintes.
Il y a une scène a priori anecdotique qui se révèle particulièrement marquante. Le réalisateur regarde vaguement la télé et tombe d’un seul coup sur… les images du tsunami en Asie. La présence dans le film de ces images de la plus stricte actualité en disent très long en quelques plans, et viennent replacer cette affaire dans un contexte extrêmement concret pour le spectateur occidental lambda, en montrant que cela se passe finalement beaucoup plus près de nous qu’on ne le pense.
Il se passe également quelque chose de très particulier à la fin de l’entretien. Jafar Panahi prend finalement la caméra des mains de Mojtaba Mirtahmasb, comme s’il ne pouvait s’empêcher de redevenir le réalisateur qu’il est, et commence alors une interview de son gardien d’immeuble dans l’ascenseur. Et une seule scène, le film bascule et devient alors véritablement un film de Jafar Panahi. Non pas parce que celui-ci tient la caméra, mais parce qu’en quittant enfin l’appartement pour l’ascenseur, où le gardien est obligé de s’arrêter à chaque étage chez tous les voisins, on retrouve l’urgence et le suspens social qui avaient fait du Cercle et de Sang et or des films marquants. Le tour de force vient du fait que ce plan séquence, formellement impressionnant, est entièrement improvisé. Il est surtout riche d’un discours social inattendu, culminant dans un plan final particulièrement évocateur de liesse dans la rue, où le réalisateur iranien reste irrémédiablement enfermé, caché derrière sa grille d’immeuble. Au final, le film aurait presque pu s’appeler Ceci n’est pas un témoignage, car au delà de sa fonction documentaire nécessaire, il s’agit bel et bien d’un vrai film.