La Cause et l'usage

La Cause et l'usage
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Cause et l'usage (La)
France, 2012
De Dorine Brun, Julien Meunier
Photo : Dorine Brun
Musique : Alessandro Librio
Durée : 1h02
Sortie : 05/09/2012
Note FilmDeCulte : *****-
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Un état de la démocratie au prisme d'une exception : milliardaire, le maire sortant Serge Dassault, déclaré inéligible, repart en campagne à Corbeil-Essonnes pour soutenir "son" candidat.

SECTION DASSAULT

Le titre du film s'inscrit sur des images illustrant la préparation du produit qui servira plus tard à coller les affiches des candidats sur les murs d'un tunnel à côtés des affiches pour un cirque. En deux plans, tout est dit. En se focalisant sur ces petites mains qui font tout le travail, en se situant en bas des tours et dans les marchés, La Cause et l'usage ramène l'arène politique à une échelle humaine mais ses enjeux n'en sont aucunement amoindris. Au contraire, le documentaire a beau suivre les élections de la ville de Corbeil-Essonnes, le spectacle qu'il nous est donné de voir n'est pas sans trouver de résonance, quelques mois seulement après les Présidentielles. Ainsi cet aperçu reflète-t-il le cirque politique, avec ses écolos qui galèrent, littéralement dans le vent, ses communistes qui affichent leurs beaux idéaux via des souvenirs de révolution, ses syndicalistes qui ne peuvent s'exprimer qu'au travers de manifestations et démonstrations... Sans oublier ce candidat qui cherche à se donner un air plus proche du peuple, notamment par son langage, avant d'être rappelé malgré lui à son rôle, celui d'un politique en représentation, par son interlocuteur, s'adressant directement à la caméra en adoptant une voix de présentateur TV. Il a voulu rendre la caméra invisible mais c'est elle qui l'a révélé. Toutefois, l'élément le plus édifiant dans ce microcosme si représentatif reste évidemment Serge Dassault, "le premier maire milliardaire de France" nous dit-on, faisant fi de la loi et menant campagne pour son candidat, Jean-Pierre Bechter, que la mise en scène nous présente habilement dans un premier temps comme un pantin muet, tout juste bon à quémander à la cantine tandis que le marionnettiste jouit d'un statut de messie.

Plus révoltant encore que l'irrespect de Dassault pour l'institution qu'il bafoue, c'est la foi aveugle de ses citoyens, parfaitement cernée par le duo de réalisateurs, qui frappe. Ce peuple qui se complaît dans l'illusion de la richesse parce qu'il n'y a plus de fuite d'eau dans les appartements, ces jeunes qui accueillent la corruption à bras ouverts, l'heure étant visiblement à l'égoïsme. Entre le cynisme de certains, qui s'apparenteraient presque à des kapos (il faut voir pour le croire cette femme noire dire à un homme, noir également, qu'il faut accepter que son fils sera balayeur comme lui) et le surréalisme d'autres qui name-droppent Soljenitsyne en distribuant des affiches qui fleurent la propagande d'il y a 50 ans, le portrait que font de cette communauté Julien Meunier et Dorine Brun, tous deux originaires de Corbeil-Essonnes, est saisissant. La caméra portée à hauteur d'homme, jamais le dispositif ne juge. Elle révèle. Comme lorsqu'elle capte ce même candidat cité plus haut en flagrant délit d'hypocrisie, critiquant les opportunistes qui retournent leur veste alors qu'il avouait plus tôt être lui-même passé de socialiste à UMP. Néanmoins, les affiliations politiques ne sont pas au cœur de l'ouvrage dont l'intérêt est davantage de proposer un constat navrant de la situation. Même si quelques jeunes témoignent se méfier de "SD" et que la victoire se joue à un écart de 27 voix, il apparaît clairement que l'argent parasite la démocratie. Et le candidat de l'opposition d'être contraint à lever la main comme un enfant pour parler avant d'être réduit au silence par les huées tandis que l'on célèbre une écharpe tricolore sur un pantin.

par Robert Hospyan

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