Captain America, le soldat de l'hiver
Captain America, The Winter Soldier
États-Unis, 2014
De Anthony Russo, Joe Russo
Scénario : Christopher Markus, Stephen McFeely
Avec : Chris Evans, Samuel L. Jackson, Scarlett Johansson, Robert Redford
Photo : Trent Opaloch
Musique : Henry Jackman
Durée : 2h16
Sortie : 26/03/2014
Après les événements cataclysmiques de New York de The Avengers, Steve Rogers aka Captain America vit tranquillement à Washington, D.C. et essaye de s'adapter au monde moderne. Mais quand un collègue du S.H.I.E.L.D. est attaqué, Steve se retrouve impliqué dans un réseau d'intrigues qui met le monde en danger. S'associant à Black Widow, Captain America lutte pour dénoncer une conspiration grandissante, tout en repoussant des tueurs professionnels envoyés pour le faire taire. Quand l'étendue du plan maléfique est révélée, Captain America et Black Widow sollicite l'aide d'un nouvel allié, le Faucon. Cependant, ils se retrouvent bientôt face à un inattendu et redoutable ennemi - le Soldat de l'Hiver.
LES TROIS JOURS DU CAPTAIN
Chaque nouvelle année voit son lot de film de super-héros et surtout son nouveau doublé Marvel et 2014 est inauguré par ce deuxième volet des aventures de Captain America. Toutefois, malgré la recrudescence de films d'un genre désormais pérennisé, la franchise parvient à se renouveler. En changeant d'époque, la licence change également de genre, passant du serial de guerre et d'aventure au thriller politique d'espionnage avec une cohérence pour le moins pertinente. Figure hors du temps, Captain America devient ici le garant d'un idéal révolu, disparu dans cette ère post-11 septembre qui rappelle - à l'instar du film renvoyant à des modèles tels que Les Trois jours du Condor - l'Amérique post-Watergate. Le récit trouve même une résonance avec l'affaire Edward Snowden, c'est dire comme c'est d'actualité. Si l'intrigue reste relativement basique et sans doute un poil trop prévisible, le fond n'en demeure pas moins intéressant et même un tant soit peu couillu. Prendre le superhéros symbole du patriotisme pour mener une attaque en règle des services secrets américains, c'est quand même pas mal, et même l'évolution de son costume au sein du film est parlante. Opposer le héros à Black Widow ou Nick Fury, représentants d'une réalité géopolitique plus trouble, permet de confronter les valeurs du personnage au réel de manière intéressante.
On est jamais dans la redite de The Avengers, où il était davantage question pour le protagoniste de trouver sa place (dans le monde d'aujourd'hui, dans l'équipe). Le Soldat de l'hiver raconte une toute autre histoire - et déjà, rien que le fait qu'il ait une histoire à raconter est rassurant après un Thor : Le Monde des ténèbres bien creux - même si Rogers, au cours de scènes qui, si elles participent à faire durer le film un peu trop longtemps (2h16) prennent le soin d'être character-driven et intéressantes, doit toujours apprendre à gérer sa situation d'Hibernatus. Le film n'est pas vraiment une adaptation de l'arc du même nom signé Ed Brubaker et, en fin de compte, cette sous-intrigue paraît assez secondaire pour un film qui porte le nom du personnage. Cependant, prendre le Soldat de l'hiver comme ennemi offre également l'opportunité de mettre Captain America face à son double maléfique, dans un arc façon Skyfall light. Son rival est lui aussi un vestige des vieilles guerres entre les deux blocs manipulé à l'envi par ses commandants, renvoyant Rogers à son propre statut.
S.H.I.E.L.D. OF DREAMS
Tout ceci permet donc d'incarner un film qui ne se limite ainsi pas à ses scènes d'action, au demeurant tout bonnement excellentes. Pourtant on était dubitatifs face à l'embauche de ce tandem de réalisateurs dont les origines dans le registre de la comédie (Bienvenue à Collinwood, Toi, moi et Dupree), notamment à la télévision (Arrested Development, Community), tranchaient avec le matériau. Sur le papier, c'était sans doute le choix de réalisateur le plus saugrenu depuis le tout premier film de l'univers partagé Marvel, lorsque Jon Favreau se retrouvait aux commandes d'Iron Man. Or, si les Russo marquent peut-être un retour vers les faiseurs des débuts (Favreau, Louis Leterrier), ils parviennent toutefois à donner à cette suite une identité propre. Avec son image froide mais léchée, signée du chef opérateur de Neill Blomkamp, leur film ne ressemble formellement à aucun des autres Marvel alors qu'il aurait pu adopter une patine similaire aux Iron Man, sans doute les plus proches dans le genre. Le duo s'avère aussi parfaitement compétent, et c'est le plus impressionnant, dans le domaine de l'action. À ce titre, le film parvient à surpasser le premier tome, plus doté de charme mais faible et même pauvre en action.
Il y a constamment des petites idées dans la mise en scène qui font mouche, qui font qu'elle n'a pas juste une efficacité fonctionnelle, que ce soit un travelling latéral qui suit le héros dézinguer plusieurs mecs sur le pont d'un bateau ou un autre qui le voit traverser en immeuble en défonçant portes et mur, laissant le plan durer pour mieux souligner l'impact. Malgré le genre, on n'est pas du tout dans un filmage à la Greengrass. Et le reste du temps, c'est money shot sur money shot dans des face-à-face spectaculaires entre surhomme et surhomme, surhomme et machine, machine et machine. On n'est plus dans du Indiana Jones là, on est dans du Mission : Impossible. A l'instar du reste, ce qui distingue le film des autres du même registre, c'est qu'il s'agit d'un actioner d'espionnage dans un monde de super-héros, de Helicarriers et de Quinjets. Par ailleurs, le film justifie totalement la présence de Captain America au sein des Avengers : c'est la force de Hulk, l'agilité de Black Widow, le bouclier en guise de Mjölnir... Enfin sorti des origin stories, Marvel propose des films plus intéressants. Espérons que Thor : Monde des ténèbres restera leur seul véritable erreur de parcours, parce que ce Captain America, le soldat de l'hiver est une franche réussite.