By the Time it Gets Dark
Dao Khanong
Thaïlande, 2016
De Anocha Suwichakornpong
Scénario : Anocha Suwichakornpong
Durée : 1h45
Une réalisatrice et sa muse, ancienne militante étudiante dans les années 1970, une serveuse qui ne cesse de changer d’employeur, un comédien et une comédienne sont vaguement connectés les uns aux autres par des liens presque invisibles. Le récit change de peau à plusieurs reprises pour révéler les différents niveaux des complexités qui font la vie de ces personnages...
MUNDANE HISTORIES
Combien de jeunes cinéastes comme Anocha Suwichakornpong peuvent imposer au bout de leur second long métrage et après quelques plans seulement une telle classe formelle ? Présenté dans la compétition du Festival de Locarno, By the Time it Gets Dark a été décrit par Suwichakornpong en conférence de presse comme sa "lettre d'amour au cinéma". Et du cinéma, il y en a beaucoup dans le nouveau film de la réalisatrice thaïlandaise de Mundane History. By the Time it Gets Dark raconte l'histoire de quelques personnages connectés par des liens invisibles – pratiquement des courants de conscience. Parmi ces protagonistes, une réalisatrice qui rencontre une femme témoin des violences militaires qui ont visé la jeunesse du pays dans les années 70. Film à sujet ? Mix de fiction et de documentaire ? Pas du tout. Si la réalisatrice dans le film est jouée par une véritable réalisatrice thaïlandaise (Visra Vichit-Vadakan, auteure du superbe Karaoke Girl), By the Time it Gets Dark chérit son mystère et raconte davantage le chemin de la mémoire, du temps, de l'imaginaire et de la création qu'un strict propos politique. Et lorsque l'on aperçoit l'armée dans By the Time it Gets Dark, celle-ci n'est qu'une mise en scène – une illusion.
Ceux qui ont vu Mundane History le savent : Suwichakornpong n'a pas peur des ruptures narratives ou formelles. Elle en fait la principale dynamique de son nouveau film où tout semble pouvoir basculer à n'importe quel moment. L'étrangeté s'invite dans les bois, les champignons y semblent surnaturels. On évoque le fantôme magique de Méliès, puis surgissent des plans qui semblent échappés d'un laboratoire scientifique. Par son sens du cadre, par sa logique poétique, By the Time it Gets Dark prend des atours de rêverie sur l'impermanence, un labyrinthe où l'on peut finir par se perdre. Le finale sublime emporte et surprend encore, avec cet équivalent numérique de la pellicule qui prenait feu dans le bouillonnant Serbis de Brillante Mendoza. Et en un saut d'image qui se décompose puis va ailleurs, s'expriment le geste poétique du cinéma de Suwichakornpong et la foi en ses infinies possibilités.