Bronzés 3 : Amis pour la vie (Les)
France, 2005
De Patrice Leconte
Scénario : Josiane Balasko, Michel Blanc, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte
Avec : Josiane Balasko, Michel Blanc, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Arthur Jugnot, Gérard Jugnot, Martin Lamotte, Dominique Lavanant, Thierry Lhermitte, Caterina Murino, Ornella Mutti
Photo : Jean-Marie Dreujou
Musique : Etienne Perruchon
Durée : 1h37
Sortie : 01/02/2006
Après le Club Med de la Côte d’Ivoire et la station de ski de Val d’Isère, Gérard, Nathalie, Jérôme, Gigi et Jean-Claude se retrouvent quelques années plus tard au Prunus Resort, hôtel de luxe en bord de mer, dont Popeye s'occupe plus ou moins bien en tant que gérant. Mais que sont-ils devenus après toutes ces années? Tout simplement les mêmes, en pire.
THERAPIE DE GROUPE
27 ans que l’on attendait ça. 27 ans de frustrations et d’envie, et l’arlésienne Les Bronzés 3 voit enfin le jour, pour mieux nous refaire partager la vie et les délires de la bande du Splendid au grand complet. On avait même fini par ne plus y croire. Jugnot, Balasko et Blanc sont désormais des scénaristes et réalisateurs confirmés, continuant en plus d’apparaître dans de multiples films à succès. Lhermitte, Clavier et Chazel, eux aussi, ont atteint les cimes du "star system" grâce aux triomphes des films dans lesquels ils jouent. Avec le temps, on se disait qu'il fallait se faire une raison et simplement vivre avec le passé, avec le souvenir immuable de deux films cultes faisant désormais partie du patrimoine culturel franchouillard, au même titre que le pain, le vin et le Boursin. Puis, au fil du temps, au travers de nombreuses interviews, cette fameuse bande du Splendid émettait le souhait de se reformer le temps d’un film. De plus, dans son Grosse Fatigue, Michel Blanc nous avait bien remis l’eau à la bouche en réunissant subrepticement la fine équipe. Bref, l'espoir était de retour. Et soudain, il y a quelque temps, la bombe fut lâchée. Popeye, Gérard, Nathalie, Jean-Claude, Jérôme et Gigi allaient revenir sur les devants de la scène pour satisfaire leur envie commune et surtout, enfin, faire plaisir au public. Alléluia, l'un de nos souhaits les plus chers de cinéphile allait être exaucé. Et ce vœu allait se concrétiser devant nos yeux ébahis, le 1er février 2006, date qui, nous l’espérions, allait marquer le calendrier des évènements cultes cinématographiques.
CONFIDENCES POUR CONFIDENCES
C’est donc avec une fébrilité exceptionnelle que l’on se retrouve dans la salle de cinéma. Le cœur palpite et le sourire est déjà en place puisque l’on ne peut s’empêcher de se rappeler une dernière fois les moments clé des précédentes péripéties de nos héros avant de découvrir leur nouvelle aventure, un peu comme si l’on ressassait de vieux souvenirs de vacances entre amis avant de s’en créer de nouveaux. Puis le rideau s’ouvre et c’est parti pour plus d’une heure et demie de dépaysement. Dépaysement? Oui. Car en quelques minutes le décor est planté, les personnages installés, "l’intrigue" posée… et pourtant l’on reste dubitatif, voire hébété, devant ce produit fini. Que se passe-t-il? Où sont nos idoles? Où sont les excentricités de ces incroyables beaufs? Ou sont passés ces caractères hors normes pourtant si proches de la réalité? S’agit-il d’une mauvaise hallucination due à une insolation ou sommes-nous réellement devant le fameux Bronzés troisième du nom? Car il faut bien l’avouer, les héros ont mauvaise mine. Les situations s’enchaînent dans une continuité logique de sketches affiliés à une pseudo histoire d’hôtel et de destins partant à vau-l’eau (ne parlons même pas de cette sous-intrigue ridicule où une mystérieuse bête attaque certains clients de l’hôtel), où rien ou presque ne fait écho à ce qui a fait le succès de la troupe et des précédents films. Même les sous-lectures sur la libération sexuelle semblent aujourd’hui complètement obsolètes (malgré l’évocation de l’homosexualité). Une pirouette scénaristique, certes drôle mais bien isolée, permettra au film de reprendre le dessus l’espace d’un instant, grâce à une réplique mémorable de la part d’un Bernard/Jugnotquasi hystérique: "Je veux savoir qui c’est qui a baisé ma femme!". Bref, rien ne va plus sous le soleil de Sardaigne où chaque personnage a perdu en substance et en valeur comme si, avec l’âge, l’étincelle qui enflammait leurs prestations et leurs caractères d’antan s’était mise à vaciller. Auraient-ils été trop surexposés aux UV?
INTOLERABLE CRUAUTÉ
Une question va alors se poser: le Splendid aurait-il trop facilement cédé à l’attente considérable du public? Difficile à dire. Car la volonté est bien là. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que l’équipe n’a pas voulu faire une copie totale des deux précédents films, afin d’obtenir des personnages véritablement évolués. Est-ce une force? Une faiblesse? En l’état, on ne peut vraiment répondre. Mais ce qui est sûr, c’est que l’on regrette de ne pas avoir "les mêmes en pire", comme l’annonce fièrement l’affiche. Car même si le couple vedette que composent Jugnot et Balasko est toujours aussi égoïste et impétueux, donc toujours aussi drôle, le reste de la composition est très affaibli, la faute à de trop importantes changements de caractères. Il n’y a qu’à regarder l’inénarrable Jean-Claude Dusse, dont les frasques d’éternel loser régalaient tant nos yeux et nos oreilles, et dont la nouvelle version amoindrit considérablement son "charme". Et il en va de même pour le reste de la distribution. De ce fait, cette alchimie si particulière qui nous avait liés avec ces personnages depuis bientôt 30 ans ne semble plus opérer. Il apparaît alors clairement que le film était trop attendu pour être jugé sur pièce et peut-être que d’ici quelques années, l’attente en moins, le jugement sera moins sévère. Mais en attendant, pour pardonner cette déception sentimentale et rester "amis pour la vie" avec ceux qui ont quand même su nous faire rire depuis 1978, accordons leur un simple mais sincère pardon, en espérant juste que la prochaine fois sera la bonne.