Blue Gate Crossing
Lanse Da Men
Chine, République populaire de, 2002
De Yee Chih-Yen
Scénario : Yee Chih-Yen
Avec : Chen Bo-Lin, Guey Lun-Mei, Lianf Shu-Hui
Durée : 1h25
Sortie : 08/01/2003
Premiers émois amoureux pour Kerou, jeune taiwanaise de 17 ans. Premières hésitations amoureuses également: alors que la coqueluche masculine du lycée la courtise, Kerou développe une troublante affection pour Yuezhen, sa camarade de classe...
LES DEMONS A MA PORTE
Blue Gate Crossing poursuit le cycle des Contes de la Chine Moderne entamé avec Beijing Bicycle et Betelnut Beauty. Co-produits par la France, ces long-métrages ont pour but de donner un visage à la jeunesse chinoise moderne à travers des films les confrontant aux réalités sociales ou aux moeurs changeantes de leur pays. Beijing Bicycle, peinture réaliste assez lourde, évoquait les difficultés sociales d'un jeune pékinois perdant son emploi en même temps qu'il perdait son outil de travail (un vélo). Betelnut Beauty prenait comme personnage principal une jeune vendeuse de noix de Betel, mettant en scène ses aspirations artistiques sur un ton plus acidulé grâce à la love story de deux héros jeunes et jolis. Blue Gate Crossing se veut davantage une comédie de moeurs, plutôt dans la lignée légère du précédent long-métrage de la série.
Il s'agit ici d'une "coming of age story", une histoire de passage à l'âge adulte, le changement en question se faisant par le biais de questionnements et de découvertes quant à l'identité sexuelle de jeunes taiwanais qui vivent leurs premiers émois. Rien d'outrageusement original là-dedans, mais Yee Chihi-Yen fait preuve d'assez de délicatesse pour rendre ses personnages fort attachants. L'un des écueils évités par le jeune scénariste et metteur en scène est de ne pas avoir effectué un film estampillé homo (Kerou, le personnage principal, est amoureuse de Yuezhen, sa meilleure amie) et d'avoir rendu ce béguin tout à fait ordinaire (alors que l'homosexualité n'est pas un thème très abordé dans les films taiwanais). Si celui-ci trouble effectivement Kerou, qui tente de se persuader de son hétérosexualité, il est un facteur comme un autre menant à passer la porte de l'enfance à l'âge adulte, l'étape qui lui permettra de ne pas avoir à porter un masque de garçon pour contenter son amour pour les filles. Les premiers émois amoureux tendent vers une certaine unité, faisant de ce "passage de porte" une étape universelle.
2 FILLES, 1 GARÇON, 3 POSSIBILITES
Film sur l'adolescence, Blue Gate Crossing jouit d'une légereté de ton qui l'éloigne du Coréen Memento Mori, sorti l'année dernière en France. Ce dernier contait également un amour homosexuel contrarié, mais à travers le prisme de la tragédie fantastique, enfermant ses jeunes filles dans un lycée et les privant de toute figure parentale dans leur entourage. Ici, c'est le réalisme couleur pastel qui est privilégié, Yee Chih-Yen filmant ses personnages dans leur quotidien le plus ordinaire. Celui-ci est fait de petites touches impressionnistes pas toujours développées, mais qui ont le mérite de laisser deviner la charpente des vies des trois personnages principaux.
Ainsi, la caméra suit les incartades à vélo dans un univers urbain lumineux (en contre-poids de l'oeuvre de nuit qu'est Betelnut Beauty - même si là encore la nuit prend des aspects colorés) ou observe de loin les deux lycéennes dans leurs chambres respectives, les laissant face à leurs secrets juvéniles. La présence d'adultes n'est parfois que suggérée, comme celle d'un professeur de sport, figure paternelle de rechange, ou celle de la mère de Kerou qui a, apprend-on au détour d'une réplique, élevé seule sa fille. Portrait délicat et sensible de gamins devant une porte se demandant ce qu'elle peut bien cacher, Blue Gate Crossing est aussi un joli film assez singulier sur l'amitié garçon/fille, servi par la fraicheur de ses principaux interprètes.
En savoir plus
Enorme carton au box-office taiwanais, Blue Gate Crossing a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes. C'est le second film du réalisateur Yee Chih-Yen après Lonely Hearts Club, qui traitait également les thèmes de l'homosexualité et de l'adolescence. Il s'agit du premier rôle de la jeune Guey Lun-Mei, étudiante née en 1984. En revanche, Chen Bo-Lin a déjà participé à des séries télévisées avant de décrocher sa première participation à un long-métrage.