Black Widow
États-Unis, 2021
De Cate Shortland
Avec : David Harbour, Scarlett Johansson, Florence Pugh, Rachel Weisz
Photo : Gabriel Beristain
Musique : Lorne Balfe
Durée : 2h13
Sortie : 07/07/2021
Natasha Romanoff, alias Black Widow, voit resurgir la part la plus sombre de son passé pour faire face à une redoutable conspiration liée à sa vie d’autrefois. Poursuivie par une force qui ne reculera devant rien pour l’abattre, Natasha doit renouer avec ses activités d’espionne et avec des liens qui furent brisés, bien avant qu’elle ne rejoigne les Avengers.
LES POUPÉES RUSSES
Il est devenu de plus en plus difficile d'espérer quoi que ce soit du Marvel Cinematic Universe après une série de films au mieux formulaïques, au pire complètement fades, dénués d'enjeux même lors de leurs giga-crossovers en deux parties. Après plus d'un de trêve, grâce au Covid, que pouvait-on attendre de ce spin-off préquelle tardif et, a priori, inutile pour lequel la firme est allée chercher Cate Shortland, réalisatrice de drame australien, comme double caution auteur et féministe? Les rumeurs affirment que la boîte ne choisit pas ses réalisateurs pour les scènes d'action, confiées à la deuxième équipe, et aussi dépossédant que cela puisse paraître, peut-être est-ce la meilleure chose qu'ils puissent faire, afin de réussir à incarner davantage leurs récits. Ainsi, Black Widow est le premier Marvel cherchant à raconter quelque chose depuis au moins 3 ans et le Black Panther de Ryan Coogler, mais en dépit de ces efforts louables, le film est un nouvel exemple du standard Marvel actuel, d'un gris générique désintéressé par tout challenge narratif.
L'ouverture du film est étonnamment réussie. Non seulement parce que la scène d'action est plutôt cool mais surtout parce que cette introduction arrive à surprendre en ancrant le récit dans un drame humain d'emblée. Le film ne se contente pas d'évoquer le passé de Natasha Romanov, il nous présente carrément sa famille, dont chaque membre possède un rôle majeur. Très vite par ailleurs, Florence Pugh confirme son talent en volant la vedette à Scarlett Johansson dans le rôle de sa sœur et Widow elle-même (un spin-off autour de son personnage est évidemment construit durant tout le film) mais au-delà de sa prestation, c'est son personnage qui est plus intéressant. Le film développe une trame pertinente autour du mensonge, de l'adoption et de la famille mais l'arc de Yelena est précipité, mené à terme en deux coups de cuillère à pot. Parce qu'elle n'est pas (encore) le personnage qui donne son nom au film mais aussi parce que Marvel est toujours aussi frileux quand il s'agit de laisser le gravitas et les thèmes prendre le devant de la scène.
Au même titre, l'intrigue se targue d'une métaphore à peine voilée sur le trafic sexuel dans la caractérisation du méchant, faisant du combat de ces héroïnes d'un film solo féminin - seulement le deuxième de la compagnie après le calamiteux Captain MarveL - une lutte contre l'exploitation pérennisée des femmes. Un sujet porteur qui aurait eu davantage d'impact si l'écriture ne l'amoindrissait pas avec ses raccourcis éhontés. En effet, le McGuffin du film sert à plusieurs reprises de joker permettant aux scénaristes de se faciliter la vie, tout d'abord une béquille pour faire progresser l'intrigue quand c'est nécessaire mais surtout, sur la fin, pour éviter tout questionnement moral alors que le film se veut une quête de rédemption. En sacrifiant ses pistes thématiques au profit d'un actioner fonctionnel, Black Widow ne peut être qu'un Marvel de plus, regardable pour une ou deux scènes d'action, quand elles ne sont pas confuses.