Black Panther

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Black Panther
États-Unis, 2018
De Ryan Coogler
Scénario : Ryan Coogler
Avec : Chadwick Boseman, Martin Freeman, Michael B. Jordan, Lupita Nyong'o, Andy Serkis, Forest Whitaker
Musique : Ludwig Goransson
Durée : 2h14
Sortie : 14/02/2018
Note FilmDeCulte : ****--
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Après les événements qui se sont déroulés dans Captain America : Civil War, T’Challa revient chez lui prendre sa place sur le trône du Wakanda, une nation africaine technologiquement très avancée. Mais lorsqu’un vieil ennemi resurgit, le courage de T’Challa est mis à rude épreuve, aussi bien en tant que souverain qu’en tant que Black Panther. Il se retrouve entraîné dans un conflit qui menace non seulement le destin du Wakanda, mais celui du monde entier…

BLACK SUPER POWER

Dans cette ère des apparences et des indignations, du marketing et du politiquement correct, on pouvait craindre que l'embauche d'un réalisateur noir pour adapter Black Panther n'était qu'une décision prise pour la forme. Déjà, nombre d'articles fleurissent sur la première aventure cinématographique du premier super-héros noir majeur et les pinailleurs de leur répondre en évoquant Spawn ou Blade (ou même, ahem, Steel), mais peu importe au final. Seul importe l'oeuvre. À ce titre, on est ravi de pouvoir affirmer aujourd'hui qu'à l'inverse de Patty Jenkins sur le sur-acclamé Wonder Woman, la présence de Ryan Coogler derrière la caméra se fait ressentir à travers tout le film. Et si argument de vente il y a, il se fait artistique. Après des productions Marvel se faisant de plus en plus anonymes, qu'un film vienne justement faire de la question de l'identité sa thématique principale est des plus à-propos. Non seulement le film parvient à proposer une singularité au sein d'un cahier des charges toutefois inévitable, se distinguant de ses prédécesseurs visuellement et narrativement, mais il étend cette notion à un propos que l'on ne devrait pas s'étonner de trouver politique.

Avant tout chose, d'un point de vue purement formel, Black Panther se différencie d'emblée des autres productions Marvel. Retrouve-t-on ce même étalonnage numérique qui garde une cohérence avec la charte graphique de l'univers général? On ne peut le nier. Néanmoins, Coogler et son équipe réussissent le tour de force de rendre la direction artistique plus impressionnante que celles des Marvel versant dans le space opera, l'heroic fantasy ou le cosmique. Il faut dire que le film mélange tellement les genres qu'il s'avère pour le moins inclassable. Il y a tout d'abord ces costumes d'inspirations africaines, aux couleurs qui détonnent avec ce qu'on a l'habitude de voir dans le genre. Mais ce genre quel est-il réellement? L'architecture urbaine de science-fiction côtoie les décors tribaux, faisant du Wakanda un pays fictif à l'identité multiple. En plongeant une figure du super-héros dans une intrigue de film d'espionnage dont déroule une dramaturgie shakespearienne de royauté, Black Panther se fait résolument inclassable. Toutefois, on pourrait résumer l'approche par cette hypothèse étonnamment pertinente : et si James Bond était roi? La question recèle un caractère politique intéressant. Comment concilier les rôles de justicier/espion et chef d'État? Comment protéger son pays tout en aidant les autres?

Dans l'horrible Fruitvale Station et dans l'excellent Creed, il était déjà question d'identité. Les protagonistes, noirs, de Coogler n'ont cesse de s'interroger sur la façon dont ils se définissent et à vouloir bousculer les rôles qui leur ont été assignés par la société. Le héros de Fruitvale Station voulait arrêter le deal, être un bon fils, un bon mari et un bon père mais la discrimination à l'égard des noirs le lui permettrait-il? Adonis Creed était l'enfant illégitime d'un champion auquel il lui paraissait nécéssaire de mesurer, qu'il lui semblait indispensable de devenir pour mériter, même après sa mort, de porter son nom. Deux personnages interprétés par Michael B. Jordan qui revient dans Black Panther mais pas dans le rôle du héros. Non, cette fois-ci, Jordan tient le rôle de l'antagoniste mais porte lui aussi ce propos sur l'identité. À l'univers afrofuturiste du riche Wakanda et de Black Panther, Coogler oppose celui d'Oakland, quartier défavorisé donc chaud de la Californie, et un "méchant" qui en est issu, Eric Killmonger, dont les revendications font de lui un Black Panther également sauf qu'il ne s'agit pas du super-héros mais de l'activiste. Et si Black Panther était opposé à un Black Panther?

Une idée géniale qui pousse le protagoniste à remettre en question la notion d'appartenance à une famille, à une tribu, à une nation... Qui fait partie de mon peuple? Ma tribu? Mes compatriotes? Tous les noirs? Jusqu'où s'étendent les allégeances? La responsabilité et le devoir, en tant que justicier donc mais également en tant que chef d'État. Si ces thématiques auraient gagné à être légèrement approfondies dans l'écriture, elles parcourent toutefois l'oeuvre, par conséquent incarnée. À l'heure où les Marvel ne s'embarrassent même plus de chercher à raconter quelque chose, un film qui privilégie le gravitas à l'humour, ne désamorçant jamais un moment dramatique par une blague au second degré - il y a même une scène où c'est l'inverse! - et délaissant la structure de l'origin story classique, ça change de la formule Marvel fatigante. Ajoutez à ça un casting parfait au service d'une galerie de personnages qui existent tous, les plan-séquences chers à Coogler, des scènes d'action inventives comme cette poursuite en voiture, une iconisation badass de ses personnages et une dimension épique au récit et Black Panther, s'il ne retombait par moments dans une histoire un peu conventionnelle, se hisserait presque au niveau des meilleurs Marvel.

par Robert Hospyan

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