La Belle promise

La Belle promise
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Belle promise (La)
Villa Touma
Palestine, 2015
De Suha Arraf
Scénario : Suha Arraf
Durée : 1h25
Sortie : 10/06/2015
Note FilmDeCulte : ***---
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En Palestine, trois soeurs issues de l’aristocratie chrétienne ont perdu leur terre et leur statut social après la guerre des Six Jours de 1967 avec Israël. Incapables de faire face à leur nouvelle réalité, elles s’isolent du reste du monde en s’enfermant dans leur villa pour se raccrocher à leur vie passée. L’arrivée de leur jeune nièce, Badia, ne tarde pas à bousculer leur routine et d’autant plus lorsqu’elles se mettent en tête de lui trouver un mari.

UNE FIANCEE PAS COMME LES AUTRES

La Palestinienne Suha Arraf s’était fait connaître en France grâce aux scénarios de La Fiancée Syrienne et Les Citronniers, deux œuvres qui prouvaient que les symboles sociaux n’était pas forcément l’ennemi de la subtilité. Avec La Belle promise, Arraf passe à la réalisation et conserve au passage sa façon bien à elle de parler de son pays sans en avoir trop l’air. En effet, ce qui frappe avant tout ici, c’est l’atmosphère de conte qui règne sur cette histoire qui parait presque détachée de toute réalité. Une jeune fille dont on ne sait rien se retrouve à devoir habiter dans une sorte manoir sans âge, avec ses trois mystérieuses tantes vivant coupées du monde, et dont chacune possède un physique et un trait de caractère à elle (la sympa, la sévère, la blasée), comme une improbable version bourgeoise des trois ours de Boucle d’Or. Au rayon enfantin, on pense aussi à Princesse Sarah, car Badia, l’héroïne, n’est pas l’élève la plus douée, et ses tantes revêches rendent son apprentissage de femme du monde plutôt retors.

L’autre bonne surprise du film, c’est son humour. De vacheries chuchotées à la messe en tenues au chic ridiculement désuet, celui-ci se révèle néanmoins plus profond que prévu. A l’image de ces trois femmes incapables de surmonter leur appauvrissement, inadaptées à une société qu’elles refusent d’honorer de leur présence, La Belle promise dévoile une amertume surprenante. Le film bascule d’ailleurs à un moment précis. Celui, bien après le début du film, où les héroïnes sortent enfin de chez elle, et qu’elles se confrontent à la rue. C’est à ce moment-là seulement que l’on se rend compte qu’il ne s’agissait pas d’un film d’époque, que tout cela n’avait pas lieu dans les années 60 (les tenues, les décors étaient pourtant à s’y méprendre), mais bien dans notre monde réel. Le décalage est alors saisissant. Il entraine pourtant la suite du film vers quelque chose de nettement plus désabusé.

Badia doit à tout prix trouver un mari, mais cette quête intransigeante révèle peu à peu toute sa violence. La réalisatrice ose faire éclater la bulle de sa fable anachronique pour se frotter à un réalisme plus noir et dramatique. Le pari est gonflé, et le film y perd des plumes au passage. En se re-mélangeant au réel, au propre comme au figuré, La Belle promise perd à la fois de sa fraicheur et de sa singularité à mi-chemin. Moins rythmée, moins originale, cette seconde partie n’est pas aussi enlevée que la première. Et paradoxalement, elle n’est pas aussi émouvante qu’elle aurait pu l’être. Le résultat final est bancal, et sans doute trop lent et long, mais on ne peut que reconnaitre à Suha l’audace de ce retournement narratif. La Belle promise ne se contente pas d’être seulement une jolie petite fantaisie, un portrait-de-femme facile à digérer, et c’est déjà une qualité en soi.

par Gregory Coutaut

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