La Belle endormie

La Belle endormie
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Belle endormie (La)
Bella addormentata
Italie, 2012
De Marco Bellocchio
Scénario : Marco Bellocchio, Stefano Rulli
Avec : Isabelle Huppert
Durée : 1h50
Sortie : 10/04/2013
Note FilmDeCulte : *-----
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Dans ce film choral, romanesque et politique, Marco Bellocchio aborde l’épineuse question de l’euthanasie autour de l’affaire Eluana Englaro, dont l’arrêt du traitement après 17 années de coma, avait déchaîné les passions.

DÉBRANCHE TOUT

La première qualité du beau titre du nouveau long-métrage de Marco Bellocchio est qu’il pourrait aussi bien désigner tous les personnages de cette histoire, faibles, aveugles ou rebelles, gravitant autour d’une jeune femme plongée dans le coma. Mais c’est surtout un titre fort ironique, qui pourrait tout autant désigner le cinéma italien contemporain, triste fantôme d’un âge d’or révolu depuis longtemps. Après la critique poussive de la téléréalité (Reality, primé à Cannes), après un docu-fiction des plus ringards (César doit mourir, primé à Berlin), voici une fresque socio-politique décevante et vieillotte, sélectionnée à Venise. Certes, le cinéma d’auteur italien « à sujet » continue d’être sélectionné dans les plus grands festivals, mais ce que ces trois exemples de 2012 ont surtout en commun, c’est d’être complètement déconnectés de toute contemporanéité cinématographique, et de passer ainsi à coté de la modernité de leur sujet.

Certes Bellocchio montre qu’il y a toujours des choses qui l’indignent, qu’il est toujours en colère face à une société devenue folle, où la religion des uns vient se mêler du libre arbitre des autres. La peinture des réactions extrêmes entourant l’euthanasie de la jeune femme en question est effectivement glaçante, donnant l’impression que cette société appartient à une époque révolue, barbare (comme en témoignent les scènes presque anachroniques où des sénateurs se baignent comme dans un péplum). Dommage que tout le film en lui-même donne également l’impression décevante de venir du passé. Malgré son récit au fort potentiel névrotique, La Belle endormie est épouvantablement assommant, étouffé par une image perpétuellement grisâtre et des cadrages plats. Plutôt qu’à la grande fresque qu’il aurait pu être, La Belle endormie ressemble à un sac d’aspirateur : boursouflé mais rempli de vide et de poussière. Une conception périmée du cinéma d’auteur qui confond gravité et fade austérité, où la seule trace de modernité réside dans les téléphones portables que les personnages n’arrêtent pas d’éteindre et rallumer (une scène qui doit revenir une bonne vingtaine de fois).

Le traitement du sujet de donne pas lieu à plus de nerf. A force de nuancer ses personnages, Bellocchio les fait tous se ressembler : chacun a finalement des raisons d’être au moins en partie contre…à tel point qu’au bout d’un moment, plus personne n’est clairement pour (il n’est d’ailleurs jamais clairement expliqué qui a demandé à cesser les soins). Résultat : un film qui joue petit bras, où tout le monde s’attaque mais où chacun est d’accord, où la critique des antis est flagrante mais où le droit à la dignité n’est jamais revendiqué à égale mesure. Lorsqu’un personnage souhaite effectivement mourir, c’est uniquement dans une intrigue secondaire qui arrive comme un cheveu sur la soupe pour artificiellement étoffer le sujet et qui s’achève dans un angélisme facile et déconcertant. Dommage. Un dernier mot sur la Huppert, pour ceux qui seraient tentés d’aller voir le film au moins pour elle : son rôle, joué en français et italien, est assez secondaire (un quart d’heure de présence à l’écran). Son segment est d’ailleurs assez différent du reste du film : filmée de manière empruntée et toc comme une mauvaise pub, elle y est parfois dirigée à la limite de la parodie. On croirait presque à un film dans le film, mais ce décalage reste inexpliqué, laissant dans un état de perplexité blasée.

par Gregory Coutaut

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