Battleship Island
Gun-ham-do
Corée du Sud, 2017
De Ryoo Seung-wan
Durée : 2h12
Sortie : 14/03/2018
Pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs centaines de Coréens sont emmenés de force sur l’île d’Hashima par les forces coloniales japonaises. L’île est un camp de travail où les prisonniers sont envoyés à la mine. Un résistant infiltré sur l’île élabore un plan d’évasion géant, afin sauver le plus grand nombre de prisonniers possible...
LES POSSIBILITÉS D'UNE ÎLE
Combien de fois se retrouve-ton à penser, en regardant un film, cette même phrase : "il se passe rien"? Ces films ennuyants où, d'un point de départ, bon ou mauvais, le récit ne déroule rien, à peine une péripétie, probablement aucun réel enjeu... Et puis, il arrive, parfois, c'est très rare, que l'on sorte d'un film comme Battleship Island en ayant l'impression d'avoir vu cinq films en un. Comme son précédent film, le très sympathique polar d'action Veteran, le nouveau Ryoo Seung-wan était sélectionné au Festival du Film Coréen de Paris et sa réputation n'a fait que croître depuis jusqu'à sa sortie (uniquement au Publicis sur les Champs-Elysées à Paris et nulle part ailleurs en France). Si la distribution du film est limitée, on ne saurait que trop vous encourager à découvrir cet incroyable blockbuster historique et politique, gigantesque morceau de bravoure de 2h17.
À l'origine, il y a une histoire vraie méconnue et pourtant un lieu de cinéma qui est, rien qu'à lui, pour beaucoup dans cette véritable corne d'abondance qu'est le film, à savoir cette île/prison/mine dont la multiplicité ferait jurer qu'il s'agit d'une invention, d'une pure œuvre de fiction, mais qui s'avère aussi réelle qu'iconique, promettant d'emblée un spectacle digne du Pont de la rivière Kwai et autres Grande évasion. Retrouvant cette même énergie folle qui portait Veteran, Ryoo sait comment extraire de cette mine de richesses tout le potentiel d'un film qui passe d'un genre à l'autre avec aisance, homogène de bout en bout, même quand il suit un personnage un peu pathétique, dans tous les sens du terme, capable de nous faire passer du rire aux larmes, parfois au sein de la même séquence.
De bout en bout, Battleship Island opte pour l'emphase parfaitement mesurée et surtout justifiée, que ce soit lors d'une rixe bien vénère dans des bains ou lors d'une assemblée générale où le cinéaste enrage une fois de plus contre la corruption qui gangrène son pays depuis toujours, sans oublier l'époustouflant climax à la bande originale qui ose la reprise tarantinesque avant de virer au film de guerre pur, l'horreur du contexte historique venant rattraper l'échappée belle de la fiction. Le souffle épique qui traverse Battleship Island est celui d'un cri de rage, celui de la colère de Ryoo Seung-wan, un metteur en scène qui confirme mériter d'être évoqué aux côtés de Park Chan-wook, Bong Joon-ho et Kim Jee-woon dans la nouvelle génération de talents venus de Corée du Sud.