Baccalauréat

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Baccalauréat
Bacalaureat
Roumanie, 2016
De Cristian Mungiu
Durée : 2h07
Sortie : 07/12/2016
Note FilmDeCulte : ***---
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Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions...

MON PÈRE AVAIT RAISON

Dans le jeu des sept familles roumain, on connaissait la figure symbolique du père de famille en tant qu’anti-héros récalcitrant, de L’Etage du dessous à Sieranevada ou Le Trésor. Mais il existe aussi la figure du grand méchant père, cauchemar sur patte : l’ancien collabo de Illégitime et celui de Baccalauréat faussement affable et vraiment glaçant. Ironiquement, ces deux derniers rôles sont interprétés par le même acteur : Adrian Titienti. Roméo a déjà prévu tout un avenir pour sa fille selon un itinéraire et une chronologie bien précis, une fois que celle-ci se sera mise en tête de régler une ultime formalité : passer son bac. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et ce qui dans une autre famille ressemblerait à un généreux altruisme devient ici une manipulation à filer des cauchemars.

L’enfer est réellement pavé de bonnes intentions, et ces dernières (dénoncer une violence familiale et sociale qui ne dit pas son nom) ne donnent pas automatiquement naissance à de grands films. Sous des apparences d’auteur pesant, et malgré des sujets pas très funky (l’avortement, le sectarisme), Cristian Mungiu avait su prouver dans ses précédents films qu’il pouvait injecter une tension incroyable à ses récits, les faisant parfois presque plus ressembler à des films d’horreur psychologique qu’à des drames édifiants. Après de tels sujets, cette histoire de bac a l’air triviale, or ça tombe bien, elle n’est qu’un prétexte. Prétexte à un portrait métaphorique d’un conflit de générations, entre ceux qui ont voulu fuir le communisme, et ceux qui veulent fuir ceux qui ont depuis reconstruit le pays à leur manière.

Dès la première scène, un inconnu lance une pierre à travers la fenêtre du salon de Romeo. Ce dernier la répare avec... un pauvre sparadrap. Tout comme il essaie de régler chaque problème en le minimisant et le niant. Avec des symboles aussi visibles, et des dialogues qui sonnent comme des notes d’intention prêtes à être digérées en fiche de lecture, Baccalauréat est par moments d’un didactisme étonnant et décevant de la part de l’auteur de 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Son dernier film est propre, carré et accessible, mais ne possède pas le rythme nerveux de ses prédécesseurs, et on se demande par moments si le cinéma de Mungiu (ici moins nuancé que celui de Puiu, et moins radical que celui de Porumboiu) n’a pas perdu un peu de sa personnalité à mesure qu’il gagnait en popularité chez les cinéphiles...

Pourtant, derrière le conflit de générations et tout ce que celui-ci symbolise de politique se cache un autre sous-texte, moins exploité mais présent : celui de la condition des personnages féminins. De l’infirmière traitée l’air de rien comme une secrétaire, à la mère qu’on fait taire d’une caresse condescendante sur la tête, les femmes de la vie de Roméo (le prénom est-il anodin ?) sont en apparence libres et choyées. Mais derrière de nombreux détails, passionnants à recenser dans le film, se cache une autre vérité : les filles sont juste bonnes à être sauvées, et il ne faudrait pas qu’elles oublient de remercier les hommes pour ça. Dommage que cette piste ne passe jamais entièrement au premier plan du film, qui aurait trouvé là la tension supplémentaire qui lui manque par moments.

par Gregory Coutaut

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