Baby Driver

Baby Driver
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Baby Driver
Royaume-Uni, 2017
De Edgar Wright
Scénario : Edgar Wright
Avec : Jamie Foxx, Jon Hamm, Kevin Spacey
Photo : Bill Pope
Musique : Steven Price
Durée : 1h53
Sortie : 19/07/2017
Note FilmDeCulte : *****-
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Chauffeur pour des braqueurs de banque, Baby ne compte que sur lui-même pour être le meilleur dans sa partie. Lorsqu’il rencontre la fille de ses rêves, il cherche à mettre fin à ses activités criminelles pour revenir dans le droit chemin. Mais il est forcé de travailler pour un grand patron du crime et le braquage tourne mal… Désormais, sa liberté, son avenir avec la fille qu’il aime et sa vie sont en jeu…

FAST & CURIOUS

Il y a des gens qui font des films avec une bande originale et il y a des gens qui font des films où l'on retient davantage les bandes pas originales. Comme pour un Quentin Tarantino, la filmographie d'Edgar Wright est également un véritable juke box. Dès la série Spaced, qui l'a révélé, le rapport ludique qu'entretient le cinéaste avec la musique tient presque de la joyeuse pathologie. Du livreur-clubber Tyres incapable de ne pas s'imaginer un morceau de house créé par les sons du quotidien jusqu'au héros éponyme de Baby Driver obligé d'écouter constamment de la musique pour couvrir un acouphène permanent depuis un accident d'enfance, une ligne se trace à travers toute l'oeuvre de Wright en passant par Shaun et sa bande tabassant un zombie en rythmant littéralement leurs coups sur "Don't Stop Me Now" de Queen et le clip de "Blue Song" de Mint Royale dont le dernier opus du metteur en scène est une extension. Avec Baby Driver, Wright pousse l'expérience jusqu'à son paroxysme, signant le parent musical de son autre film hors-trilogie Cornetto, Scott Pilgrim. Ce dernier avait des musiciens en guise de protagonistes et suivait une logique de comédie musicale, les personnages se mettant à se battre plutôt que de chanter, mais le référent dominant demeurait indéniablement le jeu vidéo. Après avoir traité des rapports sentimentaux en exploitant les codes du dixième art, Wright utilise la musique pour façonner une nouvelle ode pop à l'amour, célébrant l'idiosyncrasie en déployant la sienne.

On ne se hasardera pas à décréter qu'il s'agit du film le plus personnel du réalisateur, qui écrit seul pour la première fois, mais il est dur de ne pas voir dans Baby l'alter ego le plus littéral de Wright. La musique n'est pas juste une passion pour Baby, elle est vitale. Non seulement elle compense son handicap mais il en a besoin pour "bouger", nous dit-on dans le film concernant sa méthode pour chronométrer chaque évasion post-braquage. Toutefois, il apparaît très vite évident qu'il en a besoin pour s'évader et bouger au sens figuré, ses différents iPods - un pour chaque humeur - faisant office de pacemakers. Les écouteurs constamment fourrés dans les oreilles, sa particularité a tôt fait d'énerver de manière irraisonnée ses "collègues". En bon héros wrightien, Baby ne se conforme pas. Et cet anti-conformisme ne se manifeste cette fois non pas au travers de la lutte contre des zombies, des provinciaux fachos ou des robots à l'esprit de ruche - même si, comme dans Scott Pilgrim, la musique devient une "arme" en quelque sorte - mais par cette belle idée que l'on est tous guidés par notre musique intérieure. Celle que l'on doit écouter. Ainsi Wright refait la scène où Shaun sort de chez lui et traverse les rues pour aller à l'épicerie sauf que le plan-séquence n'illustre plus la dangereuse routine mais la chorégraphie parfaite d'un homme vivant sa propre petite comédie musicale à lui.

Si le personnage renvoie à son créateur, c'est aussi pour ça : il se met en scène. Non content d'avoir élaboré la playlist de sa propre vie, Baby va jusqu'à enregistrer les dialogues des autres pour en faire des samples dans ses morceaux maisons. Le mec remixe sa life, tout comme il rêve d'une cavale en amoureux complètement cliché. De la même manière, la réalité n'intéresse aucunement Wright, lui préférant l'iconographie du genre, du chauffeur mutique au big boss effrayant en passant par les acolytes pyschopathiques et le bon vieux "dernier coup avant la retraite". Pour ce film de braquages (qu'on ne voit jamais), moins comique que ses précédents mais toujours très drôle, Wright cite ce qu'il appelle "la Sainte Trinité du genre", à savoir Point Break, Reservoir Dogs et Heat mais on pense davantage à True Romance, pour son héros fanboy, son histoire d'amour centrale et l'idée d'un film de gangsters embrassant ses tropes de manière romantique.

Dans l’écriture, Baby Driver s’avère le film de Wright le plus conventionnel, beaucoup moins méta dans son jeu avec les codes que sa trilogie susmentionnée. Néanmoins, le cinéaste parvient quand même à déjouer certaines attentes, notamment dans les réactions des personnages - tous géniaux en seulement quelques scènes - lors du dernier tiers. Les revirements soudains témoignent de la valeur au coeur de l'intrigue et qui devient la motivation première des allégeances de chacun : qu'est-ce qu'on ferait pas par amour? En effet, le film est presque meilleur lorsqu'il s'attarde sur deux personnages liés par les écouteurs d'iPod qu'ils partagent que lors des courses-poursuites effrénées au montage acéré. Le découpage aurait pu être encore plus "expérimental" dans l'harmonie avec la musique mais qu'il s'agisse de scènes de bagnoles avec des drifts humiliant ceux de Fast & Furious ou de fusillades où les coups de feu remplacent les percussions, l'action fourmille d'idées et celles-ci s'insinuant tout au long du film, l'ensemble présente une expérience globale qui traduit une fois de plus la vision du monde de l'auteur, infusée à jamais, embellie par la pop culture. Parce qu'un film de gangsters par Edgar Wright, c'est un film avec son identité dès la première minute, quand les braqueurs super sérieux quittent la voiture, laissant le chauffeur seul et qu'il se met à chanter en playback comme un ado sur un morceau de The Jon Spencer Blues Explosion.

par Robert Hospyan

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