Avalon
Japon, 2000
De Mamoru Oshii
Scénario : Kazunori Itô
Avec : Dariusz Biskupski, Malgorzata Foremniak, Jerzy Gudejko, Wladyslaw Kowalski, Bartek Swiderski
Durée : 1h46
Sortie : 27/03/2002
Dans une Pologne totalitaire, le seul espace de liberté devient un jeu de guerre illégal et virtuel nommé Avalon. Ash, joueuse professionnelle, va tenter d'en percer les secrets.
Mieux vaut rester évasif et conserver un certain mystère quant à l'évocation du nouveau film de Mamoru Oshii: le plaisir que l'on peut y prendre se basant en partie sur le rarement (ou jamais?) vu, l'inattendu, l'audace et le côté visionnaire. On connaissait déjà le goût d'Oshii pour les histoires complexes, les univers froids et fascinants (Ghost in the Shell qu'il a mis en scène, Jin Roh dont il a écrit le scénario...). Ici, il établit avec Avalon un pont entre plusieurs genres, plusieurs styles, signant un film hybride totalement déroutant, produit d'un mélange entre culture orientale et occidentale (Oshii ayant d'ailleurs tourné son film en Pologne, et en langue polonaise, ce qui evidemment rajoute au côté singulier de Avalon). Hybride car si Oshii est rompu à l'art de l'animation, il avoue avoir trouvé dans la prise de vue réelle un remède à sa frustration de tout pouvoir contrôler, permettant de se lancer de nouveaux défis à relever. Il mélange ainsi l'esthétique de l'anime et du jeu vidéo (sa sculpturale héroïne, les combats...) à la prise de vue réelle avec réussite.
C'est d'abord le traitement visuel qui frappe dans son film: selon la représentation du monde réel, virtuel (ou crus comme tels), l'utilisation du noir et blanc ou du sépia font du film une véritable splendeur visuelle, une expérience rare et fascinante tant le résultat est sublime. Le pari esthétique est donc parfaitement tenu. Malgré son étiquette "jeu vidéo", Avalon ne donne finalement qu'assez peu dans le spectaculaire pétaradant: le film demeure assez lent et contemplatif, parfois traversé par un souffle plus violent, mais toujours habité par une mélancolie certaine. La vie de tous les jours de Ash, ses gestes quotidiens (le même plan du même immeuble, les mêmes plans sur des tramways fantômes comme un leitmotiv...) confèrent à Avalon un caractère désabusé. Les personnages sont seuls, et voient leurs vies s'animer dans un monde virtuel qui devient pour certains une drogue permettant d'échapper au "vrai" monde.
Cette mélancolie est orgasmiquement magnifiée par la somptueuse partition de Kenji Kawaï. Ce dernier, l'un des compositeurs japonais les plus reconnus, offre une bande son en totale adéquation avec le sujet: fascinante, enivrante, participant pleinement au côté "trip sensoriel" qu'est Avalon. Oshii orchestre donc ici un voyage unique, qui laissera une véritable empreinte tant la réussite est éclatante, lumineuse. C'est ce qu'on appelle un chef-d'oeuvre.