Aux mains des hommes

Aux mains des hommes
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Aux mains des hommes
Tore Tanzt
Allemagne, 2013
De Katrin Gebbe
Scénario : Katrin Gebbe
Durée : 1h50
Sortie : 25/06/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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A Hambourg, le jeune Tore est à la recherche d'une nouvelle vie au sein d'un groupe religieux appelé les "Freaks Jésus". A la suite d'un accident de voiture, il croit à un miracle en rencontrant un père de famille nommé Benno. Tore emménage avec lui et sa famille. Mais il est loin de se douter que ce Benno est un homme d'une rare violence...

CHEMIN DE CROIX

Il y a des premiers films sages et appliqués, faciles à appréhender, et il y a des premiers films gonflés, dingos et brutaux, qui avancent bille en tête et n’obéissent qu’à leurs propres envies. Aux mains des hommes, première œuvre qui balaye sévèrement sur son passage, est en plein dans cette optique. De l’aveu même de la réalisatrice Katrin Gebbe (que l’on place illico sur notre liste de réalisateurs à suivre de près, lire notre entretien), ce film est né comme une expérience, « un projet de recherche scientifique sur la culpabilité et l'évolution des relations humaines ». Aux mains des hommes met face à face deux personnages et leurs convictions : le jeune Tore, fervent croyant, et le père de la famille qui l’héberge, bien décidé à le faire redescendre sur terre et lui mettre du plomb dans la tête. Or la force du film est que, si l’expérience en question se dirige tout droit vers l’enfer, le résultat n’est ni manichéen ni prévisible.

Le récit de Aux mains des hommes est divisé en trois parties portant chacun un titre : foi, liberté et espérance. Tiens, tiens. Pas besoin de ce clin d’œil pour voir qu’il y a effectivement du Ulrich Seidl dans ce film, dans cette manière de montrer un enfer pavé des meilleures intentions, où les convictions des personnages sont des ancres qui les coulent plutôt que les bouées de sauvetage qu’ils s’imaginent. Katrin Gebbe voit ses personnages se noyer, mais ça ne l’amuse pas du tout. Sa caméra se débat elle aussi, cherche l’air et n’enferme personne dans des rôles ou des postures. Ni cruel à outrance ni doloriste, Aux mains des hommes trouve la meilleure expression de sa passionnante ambiguïté dans son personnage éponyme, qui passe de la candeur idéaliste et un peu tête-à-claques à une posture bien plus énigmatique. Tore s'en prend plein la gueule, mais Tore reste, stoïque. La question "pourquoi" était sur bien des lèvres des spectateurs à la sortie de la projection cannoise, mais c'est justement cette absence de réponse toute faite qui secoue et angoisse autant. Ni ange de la vengeance ni saint à sacrifier, Tore a une mission, il en est convaincu, mais la comprend-il lui-même ?

Ce premier film tout sauf tranquille n’est pas un vulgaire exercice de sadisme. Tel un savon, il glisse sans cesse entre les mains de celui qui voudrait le faire rentrer dans une case, le définir moralement. La réalisatrice, qui cite Haneke ou Salo et les 120 jours de Sodome parmi les films qui lui ont donné envie de faire du cinéma, n’a pas peur de se frotter à la cruauté de ses personnages, ne craint pas de filmer une relation étouffante et ses scènes parfois éprouvantes (les amateurs de poulet seront servis). Mais Aux mains des hommes ne donne pas de leçon, ne pointe pas du doigt le mal en disant « ça c’est mal ». C’est peut-être suffisant pour que les esprits paresseux le classent parmi les « films de salauds », mais cela démontre surtout l’humilité de son auteur, qui avance en posant des questions. Au final, ces questions deviennent les nôtres: Aux mains des hommes parle-il de masochisme, de dépendance, de la grâce ? Qu’importe, c’est précisément cette incroyable ambiguïté qui en fait l’un des premiers films les plus passionnants du moment.

par Gregory Coutaut

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