Festival de Gérardmer: L'Autre monde
L'Autre monde est le nouveau long métrage documentaire de Richard Stanley, sur les mythes, légendes et mystères du sud-ouest de la France.
SACRÉ GRAAL
L'Autre monde : voilà un titre qui colle à la fois mal et très bien à son film. Car derrière un titre aussi passe-partout se trouve une œuvre au contraire pas banale du tout. L'Autre monde est un documentaire sur... sur quoi exactement d'ailleurs? Richard Stanley vise un point géographique bien précis, cette région du sud de la France où se mêlent héritages cathares et occitans, mais brasse large, à hauteur de son ambition. Lors de la précédente édition du festival de Gerardmer, le documentaire Room 237 s'intéressait autant aux diverses interprétations du film Shining qu'à la cinéphilie zinzin de ses intervenants. De la même manière, L'Autre monde cherche autant à faire vivre les légendes surnaturelles liées à la région qu'à brosser le portraits d'hommes et de femmes qui ont consacré leur vie à ce mysticisme. Et tout comme Room 237, le résultat final est passionnant et hilarant à la fois (et souvent sur les mêmes points) sans que l'un n'empêche l'autre. Ce n'est pas la moindre singularité à l'œuvre ici.
Les théories les plus sérieuses sur les templiers (l'interprétation féministe de la naissance des croisades vaudrait un doc à elle seule) côtoient les élucubrations de certains illuminés, clochards célestes vivant parmi les poupées déglinguées, les sculptures en pq et les calendriers pornos pour routiers. Mais la force du film est de ne jamais se pencher sur tout cela avec condescendance. Anthropologiste diplômé en métaphysique médiévale, Richard Stanley possède une expérience personnelle de la région et ses phénomènes paranormaux. Il a l'humilité d'entamer son film à la première personne, une manière de se mettre au même niveau que ses intervenants, mais aussi du spectateur, en admettant également son propre scepticisme : nous ne sommes pas obligés de croire les histoires qui suivent (et leurs reconstitutions à l'écran, parfois) car lui-même n'y croirait pas s'il n'en avait pas fait l'expérience directe.
L'Autre monde ressemble parfois donc moins à un éventuel inédit de Striptease qu'à une version upgradée et passionnante d'un épisode de Mystères. Les théories sur les les flocons de neige comme preuve de vie extraterrestre laissent tantôt place à des considérations philosophiques sur la recherche du Graal, puis une description des plus prosaïques du quotidien des élus de Bugarach et la manière dont fut régulé l'afflux lors de la supposée fin du monde de 2012. D'où finalement l'affirmation la plus excitante posée en filigrane par le film: cet "autre monde" en question, fait de mystère et de folie, n'est pas un monde parallèle, c'est simplement notre quotidien.