Découvertes FilmDeCulte: Ascent

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Ascent
Pays-Bas, 2016
De Fiona Tan
Scénario : Fiona Tan
Durée : 1h20
Note FilmDeCulte : *****-
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À travers une couche de nuages gris, on discerne à peine les contours du mont Fuji, un volcan aux multiples visages. 4’500 photographies exceptionnelles de sources diverses datant des 150 dernières années, constituent le point de départ d’Ascent. N’utilisant que l’image fixe, c’est une expérience filmique entre documentaire et fiction, photographie et cinéma, où l’on suit une femme anglaise et son compagnon de route japonais décédé, Hiroshi. Alors que les ascensions du mont Fuji se divisent en catégories géographique, temporelle et culturelle, le récit se construit en explorant des voies inattendues...

36 (MILLE) VUES DU MONT FUJI

Artiste plasticienne renommée, la Néerlandaise Fiona Tan (lire notre entretien) avait notamment été choisie pour représenter les Pays-Bas lors de la Biennale de Venise en 2009. On découvre cette année plus particulièrement son travail de cinéaste, puisque son premier long métrage, History's Future, a été sélectionné en compétition à Rotterdam, et que son second long arrive quelques mois plus tard seulement à Locarno. Le concept d'Ascent est à la fois gonflé et excitant : faire un film et créer une histoire à partir d'une succession de photographies du Mont Fuji. Tan s'est basée sur des milliers de photos, de tout type et de tout support : cartes postales colorisées, photos numériques de touristes, photos de reconstitution en studio... Certaines semblent perdues dans le temps, d'autres issues de fantasmes du Japon pour occidentaux. Sur certaines, les protagonistes sont endimanchés et ont sorti leur plus beau kimono quand d'autres posent engoncés dans leur doudoune.

Figé dans toutes ces photographies, le Mont Fuji, au centre du cadre ou égaré dans un coin, semble appartenir à une mémoire collective, une trace sur l'image. La photo arrête le temps comme elle le démultiplie, le Mont Fuji, impassible, étant cet « œil silencieux qui ne cligne jamais ». Il y a quelque chose de vertigineux – et pourtant minimaliste – dans cette approche du temps et de la mémoire. A la mémoire collective des images s'ajoute la mémoire intime du récit fictionnel raconté par Ascent : celui d'une femme anglaise et de son compagnon japonais décédé. C'était l'un des challenges de Fiona Tan sur ce long métrage, faire un film de cinéma avec les moyens les plus élémentaires. Des images fixes, et du son. Éventuellement, quelques superpositions de photos. Cette approche de la mémoire et du cinéma par la photographie avait déjà été explorée récemment par 36 du Thaïlandais Nawapol Thamrongrattanarit, lauréat à Busan. Mais Tan est encore plus radicale en se « limitant » à des photos. Notez l'usage des guillemets car Ascent, riche et profond, ne semble jamais limité par quoi que ce soit.

La contemplation du Mont Fuji éveille l'imaginaire : on y évoque le conte de la Princesse Kaguya ou la légende de la déesse des volcans qui sommeillerait sur le Mont. Mais son approche est également concrète avec le récit de son ascension, pénible, laborieuse... et pourtant magique. Car le mystère est commun à toutes ces représentations. Tan le saisit dans ses Trente-six (mille) vues du Mont Fuji - autant de mystères qu'il y a de points de vue : le Mont Fuji dans une mer de fleurs, ou recouvert de neige. En son sein, dans ses entrailles, ou à son sommet, où aux milliers d'étoiles du ciel répondent celles de la ville dans la nuit. Il n'est ici qu'une ombre, ou ici un reflet dans l'eau. Un décor pour baston de Godzilla, un modèle de confection d'onigiri. Ascent est à la fois parfaitement limpide et labyrinthique. Ce n'est pas le seul paradoxe de cet essai au grand pouvoir de fascination, et qui essore son sujet de toutes les façons : géographique, temporelle, historique, religieuse, culturelle ou poétique.

par Nicolas Bardot

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