Army of the Dead

Army of the Dead
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Profitant d'une attaque de zombies à Las Vegas, un groupe de mercenaires fait le pari fou de s'aventurer dans la zone de quarantaine pour tenter le braquage le plus spectaculaire de tous les temps.

L’ARMÉE DÉMORD

Après avoir délesté Zombie de sa portée politique dans son remake, Zack Snyder semblait davantage intéressé par la question par la suite de sa carrière et en faisant succéder au centre commercial, temple du consumérisme, la ville toute entière de Las Vegas, capitale du faux, de la vulgarité, du cliché et de la décadence, comme décor à un film de zombies, le cinéaste disposait d'un terreau riche pour développer un propos. Malheureusement, Army of the Dead laisse en friche son potentiel, que ce soit celui du propos donc mais également celui de son concept ludique de heist movie, pour donner dans le simple spectacle bourrin dont les rares moments réjouissants sont dilués dans 2h28 arythmiques avec des arcs de persos au mieux surcalibrés et pas touchants, au pire inexistants.

Dans un premier temps, avec une introduction qui paraît expliquer le titre, impliquant l'armée américaine à l'origine du mal, le film paraît emprunter ouvertement la piste du film qui cherche à raconter quelque chose derrière la gaudriole mais l'écriture délaisse cette idée, se contentant de quelques clins d’œil, parfois juste comiques, à l'actualité (camps de prisonnier, sorties ridicules du président) lors de flashes infos. Peut-être Snyder se retrouve-t-il davantage dans cette réplique du protagoniste principal, ex-soldat, qui dit qu'après avoir tant fait pour les autres, l'heure était venue de faire quelque chose pour eux-mêmes, et qui n'est pas sans rappeler l'objectivisme avec lequel flirte son Superman. Mais c'est une réplique perdue dans une caractérisation à la truelle sur ce personnage de père en froid avec sa fille (le running gag du food truck, c'est gênant), écrit après le suicide de la fille de Snyder mais moins touchant que le traitement du deuil, déjà trop superficiel, de son Justice League. Ne parlons même pas de l'autre relation qui concerne ce personnage, avec cette révélation à mi-film qui tombe comme un cheveu sur la soupe et ne sert qu'à rendre la scène suivante plus forte.

Il y a bien quelques archétypes sympathiques dans la galerie de personnages secondaires, notamment le duo antagoniste formé par Van le bourrin noir philosophe et Dieter le Tom Hiddleston allemand spécialiste des serrures, mais ils sont terriblement sous-exploités, comme Tig Notaro alors que c'est peut-être la meilleure actrice du lot (elle a certes remplacé in extremis un acteur cancelled mais comme tous les autres font aussi de la figuration...). Où sont leurs moment to shine? On nous parle d'un coffre impossible à percer et il est cracké en deux secondes. De toute façon, le film n'utilise que peu les codes du genre, réduits à la séquence de recrutement (deuxième film de suite où Snyder exorcise son amour des 7 samouraïs) et ce coffre avec trois pièges à la Indiana Jones (WTF).

La scène du zombie-cobaye est rigolote, comme d'autres mises à mort dans le film, joyeusement gore (big up au remake de The Revenant/Irréversible avec un tigre), et on apprécie l'effort de créer une mythologie qui essaie de concilier les deux conceptions du mort-vivant (zombie et enragé) mais cela ne sert qu’à refaire le Je suis une légende de Francis Lawrence. En moins bien. Pas de souci avec les cocktails d'influences, comme Aliens qui est clairement le modèle, mais Snyder ne se réapproprie pas suffisamment les matériaux. Il y a globalement aussi peu de ralentis ici que dans son précédent film de zombie, même s'ils sont plus à leur place ici, mais cette absence est plutôt symptomatique des carences en fun du film. Après l'excès Justice League, on s'attendait à un film décomplexé, la gaudriole susmentionnée, où la vulgarité du lieu serait embrassée, mais le film est loin de l'esthétique néon de sa promo. Le générique, avec ces plans où les personnages tiennent une photo encadrée les définissant, paraît assumer le cliché, mais le film paraît parfois aussi dévitalisée que sa photo. L'aspect surexposée/pâle de l'image n’est pas hors de propos comme illustration d'un monde post-apocalyptique et d'une ville en déliquescence, ça a même le mérite d'être surprenant, par contre, le choix de la faible profondeur de champ sur chaque plan demeure incompréhensible. Les scènes d'action n'en sont jamais réellement, se résumant principalement à des fusillades peu inspirées, où le moindre amateur réussit de parfaits headshots du premier coup. Sans être déplaisant, le film reste quand même très moyen, que ce soit dans l'écriture de V1 ou dans les morceaux de bravoure où on aurait attendu Snyder, et une preuve de plus que les pleins pouvoirs laissés par Netflix aux cinéastes peuvent être un cadeau empoisonné. De son deuxième film à son avant-dernier, Snyder aura été chez Warner, qui l'aura visiblement enquiquiné sur presque chaque film (7 films tournés pour eux dont 4 qu'il a revisité dans des Director's Cuts), et si leur ingérence a été clairement nocive pour les œuvres, on se dit en voyant l'auto-indulgence de ses deux derniers films qu'un bon producteur sur le dos ne lui ferait pas de mal.

par Robert Hospyan

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