Argent amer
Bitter Money
Chine, République populaire de, 2016
De Wang Bing
Durée : 2h36
Sortie : 22/11/2017
Dans l'est de la Chine où les villes se transforment rapidement, des migrants arrivent et rêvent d'une vie meilleure. Mais ce qu'ils trouvent, ce sont de médiocres conditions de vie et une absence quasi-totale d'opportunités. Un contexte qui pousse les gens à avoir de violentes relations d'oppression. Xiao Min, Ling Ling et Lao Yeh sont quelques uns des personnages de cette chronique amère de la Chine contemporaine.
L'ARGENT DE POCHE
Dans son avant dernier long métrage Ta'Ang, sorti en octobre en France et passé par la Berlinale, le cinéaste chinois Wang Bing retraçait l'exil d'une minorité ethnique birmane prise au cœur de la guerre civile à la frontière chinoise. Argent amer, son nouveau documentaire, décrit un autre exil : celui de populations de la province du Yunnan (dont Wang a déjà filmé les coins désolés dans Les trois sœurs du Yunnan) vers la ville de Huzhou située à l’ouest de Shanghai. C'est une nouvelle pièce dans son grand portrait des mutations économiques en Chine, et de leur impact sur les individus.
Les individus en question s'entassent dans un train, la tête dans le lavabo, pour un trajet éternel vers l'Eldorado. On assiste d'abord à une discussion banale : on part, parce qu'on ne peut pas faire autrement. Pour quelle vie ? Les protagonistes de Argent amer s'enferment dans des petites pièces où ils triment 12 heures par jour, comme des extension à demi-humaines de leurs machines à coudre. Comme dans ses précédents docs, Wang Bing se sert de la longueur à la fois pour créer un certain sentiment d'intimité avec ses interlocuteurs, saisir l'épuisement à l’œuvre, et faire en sorte que, peu à peu, on oublie la caméra. On oublie aussi ses frontières - ce documentaire qui ici ressemble parfois à une fiction, mais dont la réalité est crue.
Lors d'une séquence puissante et dérangeante, posant aussi la question de la place du cinéaste, l'une des femmes que le réalisateur suit se fait intimider puis violenter par son époux, un homme infect et odieux. On se demande plusieurs fois comment la caméra de Wang Bing peut être là. Celle-ci dépeint une brutalité économique qui gangrène toute une société ; en premier lieu les personnes les plus exposées - ici, les femmes. L'argent durement gagné est effectivement amer. Et avec nonchalance, un des protagonistes regarde par la fenêtre, dans les ruelles nocturnes, s'étonnant que ces gens en bas ne soient pas morts.