Antwone Fisher
États-Unis, 2002
De Denzel Washington
Scénario : Antwone Fisher
Avec : Joy Briant, Derek Luke, Denzel Washington
Durée : 1h57
Sortie : 16/04/2003
Antwone Fisher, jeune marin de 24 ans, a un caractère explosif qui lui vaut une réputation méritée de bagarreur. A la suite d’une énième rixe, Antwone est rétrogradé et doit rencontrer un psychiatre. Il ne s’agit plus de communiquer avec les poings…
L’EXORCISTE
Les premières images d’Antwone Fisher sont muettes, vision onirique d’un idéal naïf et absent. La parole jouera pourtant un rôle essentiel par la suite dans ce premier film de Denzel Washington en tant que réalisateur. Antwone Fisher raconte l’histoire d’un jeune homme qui va apprendre à ne plus communiquer qu’avec son corps (à l’image des différentes bagarres du début comme autant de "réponses" aux provocations), mais surtout par la parole, le tout débouchant sur un dépassement de soi aussi bien mental que physique. Washington filme au plus près des visages, notamment la relation principalement orale entre Fisher et son psy. Le cadre se resserre, le corps s’efface (Washington qui disparaît dans la prison alors que Fisher lui parle), et la parole devient un enjeu essentiel (voir l’importance d’une scène qui se passe au téléphone et dont le véhicule n’est que la parole), un pont salvateur lorsque la communication paraît impossible (magnifique scène où le regard d’une mère préfère ne pas se heurter à la voix qui lui fait "face"). La réussite pour ce premier essai collégial (c’est également le premier scénario d’Antwone Fisher, qui raconte donc lui-même son histoire) est de ne pas tomber dans un ton confessionnal, mais d’être en permanence dans une justesse très humaine. La chronique d’une enfance dévastée aurait pu facilement tourner au pathos larmoyant, mais le film de Washington est d’une pudeur et d’une délicatesse qui permettent d’éviter tout débordement.
RACINES
Se dépasser, mais d’abord retrouver des traces. Alors qu’hier un peuple entier recherchait ses racines, la quête d’Antwone, Noir américain dont les signes d’intégration semblent se voir sur son costume de marin, est plus minimaliste. Retrouver ses propres racines, se heurter aux ghettos noirs dont il sort et faire face aux fantômes. Le cheminement cathartique, là encore plus humain que profondément psy, est l’un des cœurs du film, entre le regard neuf porté vers les démons du passé et les espoirs idéalisés du futur (la première scène rêvée avec le festin, la vision d’une petite amie parfaite). Les bons sentiments ne font pas les bons films, mais la sincérité est assurément un bel atout. Washington fait preuve d’une humilité, d’une maîtrise et d’une direction d’acteurs irréprochables pour un premier essai, tout comme Derek Luke, brillant pour son premier rôle à l’écran. Dans le regard et la voix de ces excellents acteurs réside la beauté d’un premier film naïf (et donc probablement sujet aux quolibets des plus cyniques) mais juste. Le beau regard également d’une jeune réalisateur dont on peut légitimement attendre la nouvelle œuvre.