Anomalisa

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Anomalisa
États-Unis, 2015
De Duke Johnson, Charlie Kaufman
Scénario : Charlie Kaufman
Avec : Jennifer Jason Leigh, David Thewlis
Musique : Carter Burwell
Durée : 1h30
Sortie : 03/02/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Michael Stone, mari, père et auteur respecté de « Comment puis-je vous aider à les aider ? » est un homme sclérosé par la banalité de sa vie. Lors d'un voyage d'affaires à Cincinnati où il doit intervenir dans un congrès de professionnels des services clients, il entrevoit la possibilité d’échapper à son désespoir quand il rencontre Lisa, représentante de pâtisseries, qui pourrait être ou pas l’amour de sa vie…

LA VALSE DES PANTINS

Ce n'est pas la première fois qu'on croise des marionnettes dans l'univers de Charlie Kaufman. Le personnage principal de Dans la peau de John Malkovich, que Kaufman a scénarisé, était marionnettiste. La marionnette n'était encore qu'une métaphore dans ce récit désenchanté où quelques humains préféraient être spectateurs d'une vie dans le corps d'un autre que vivre dans le leur. Les héros d'Anomalisa, cette fois, sont de vraies marionnettes. Mais l'artifice chez Kaufman, comme chez d'autres grands réalisateurs, sert avant tout à atteindre encore plus profondément le réel. Les coutures des pantins sont visibles et assumées, et il n'est pas question, en premier lieu, d'une performance technique (même si celle-ci est remarquable). Cet effet de distanciation rend encore plus universel ce récit de solitude.

Une solitude qui débute dans le tumulte : celui du brouhaha de pensées de divers passagers d'un avion. Le héros, Michael, un auteur venu à Cincinnati pour une conférence, s'en échappe et se glisse dans un taxi où débute une conversation obligée, remplie de lieux communs, avec son chauffeur. Kaufman saisit ce malaise qui fait rire jaune, cette convenance absurde qui fait qu'on se sent obligé de parler, tout le temps, même pour ne rien dire. Le verbiage parasite est anxiogène, comme celui du taxi, comme celui de la télévision débiloïde et débilisante, voire même comme celui, guindé, de l'accueil de l'hôtel. A quoi bon, d'ailleurs, les écouter puisque tout le monde dit la même chose ? Ce n'est évidemment pas un hasard si, hormis les deux personnages principaux (incarnés par David Thewlis et Jennifer Jason Leigh), le même acteur double tous les autres personnages. Ils ont la même voix car ils sont identiques, du moins aux yeux de Michael. Ils sont tous différents, mais parlent tous de la même façon, de la même chose, de la même sortie à faire dans la ville (à l'image de notre monde à nous où tout le monde ira voir... le même film). Kaufman ne délivre pourtant pas un message de vieux grigou arrogant et misanthrope, tout simplement parce que son regard est plus riche et complexe que cela.

C'est d'ailleurs l'un des paradoxes d'Anomalisa. Dans un cinéma américain souvent pudibond et infantile, il faut ressortir les marionnettes pour avoir l'impression de voir un film d'adulte. Pour filmer une scène de sexe, la nudité de son héros, ou l'amour, fusionnel ou malade. Il est largement question d'apprentissage de la différence et de son acceptation dans Anomalisa. Mais pas de façon didactique, pas comme dans un bouquin de développement personnel écrit par Oprah – contrairement à ce que peut indiquer ce personnage d'auteur venu donner ses conseils. Kaufman et son co-réalisateur Duke Johnson n'ont évidemment pas de solution toute faite à la question kitsch : c'est quoi, être vivant ? La réponse dans ce splendide Anomalisa se situe quelque part entre le rêve amoureux et le cauchemar existentiel.

par Nicolas Bardot

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