Festival du Film Fantastique de Neuchâtel: Animals
Nick et Anna sont partis passer six mois en Suisse. Nick veut rassembler des recettes de cuisine locale, et Anna espère finalement écrire un nouveau livre. Le temps passé peut être également bon pour leur relation. Anna est au courant de la liaison que Nick a entretenue avec leur voisine Andrea, qui s'est jetée par la fenêtre...
BETES HUMAINES
Quoi de plus paisible et tranquille qu'un chalet en Suisse ? C'est pourtant là que Nick et Anna vont peu à peu perdre pied avec la réalité. Ou plutôt tout commence un peu avant, alors qu'ils quittent leur appartement en ville. Lors d'un plan d'ouverture renversant, on nous montre une jeune femme qui se jette de sa fenêtre, puis qui disparaît du champ sans jamais toucher sol. A t-elle disparu? Cette jeune femme, c'est la voisine du dessus de Nick et Anna. C'est aussi, comme le soupçonne cette dernière, la maîtresse de son mari. Cette femme s'est elle suicidée ou non ? Ce n'est que le premier dérèglement dans les rouages du quotidien pour un couple au bord de l'implosion, et ce n'est que la première question d'un film qui multiplie les interrogations de manière excitante.
Les protagonistes ont laissé soin à une collègue de Nick de veiller sur leur appartement en leur absence. On suit donc à la fois leur escapade dans les alpages et l'arrivée de celle-ci dans leur maison. Cette dernière est-elle aussi une maîtresse du mari ? Et pourquoi reçoit-elle des visites d'un admirateur inconnu, qui croit reconnaître en elle la voisine décédée ? Il y a un vertige identitaire très efficace à l’œuvre dans Animals, réalisation suisse du cinéaste polonais Greg Zglinski. Qu'est-ce qui est vrai, et qu'est-ce qui est imaginé ? Qui rêve de qui ? On ne sait plus très bien qui est qui à l'écran, mais les personnages ne savent plus très bien qui ils sont eux-mêmes, prêts à basculer vers le surnaturel et la folie à chaque moment. Qu'une porte refuse de s'ouvrir, et c'est une fenêtre vers une autre dimension qui s'ouvre devant eux.
Greg Zglinski n'a pas peur de laisser des questions sans réponses. Au lieu de générer de la frustration, chaque nouvelle pièce vient au contraire épaissir le mystère et agrandir notre amusement à tenter de le résoudre, qui se transforme lui-même progressivement en plaisir d'être mené par le bout du nez. Animals va plus loin qu'un vain exercice narratif, et cela grâce à des idées de mise en scène étonnantes, comme cette manière qu'ont les personnages de sortir et revenir dans le champ de la caméra de façon quasi irréelle. Également grâce un humour inattendu, une bouffonnerie absurde qui vient autant nous faire rire qu'achever de nous faire perdre nos repères. Et surtout grâce à des interprètes convaincants, très à l'aise dans des registres qui se superposent pourtant parfois à l'intérieur d'une même scène. En tête: la grande Birgit Minichmayr, actrice de théâtre autrichienne déjà récompensée à Berlin pour Everyone Else de Maren Ade. Elle est une nouvelle fois remarquable dans des scènes improbables et funambules, à la fois tragiques, irréelles et cocasses, où la folie furieuse vient frapper à la porte sous les traits d’affables animaux. Voilà une vraie découverte qui n'a pas peur de sortir des sentiers battus.
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Animals est diffusé cette semaine au Festival du Film Fantastique de Neuchâtel.