Cinéma du Réel: Angkar
Khonsaly retrouve ses anciens bourreaux Khmers Rouges, dans l’intimité obscure du village dans lequel ils ont cohabité 4 années durant. Entre passé et présent, les identités se dévoilent, les spectres oubliés ressurgissent et l’histoire, face à l’autre, se raconte enfin.
A VOIX HAUTE
D'origine cambodgienne, la réalisatrice Neary Adeline Hay suit son père, Khonsaly, de retour dans un village au Cambodge où il fut déporté pendant le génocide perpétré par les Khmers rouges. « C’était le chaos. Il n’y avait plus de pièces d’identité, plus de justice, plus de médecins, plus de titres de propriété, plus d’intellectuels, plus de monnaie, plus de mémoire... ». Comment retrouver cette mémoire et comment s'y confronter ? C'est l'une des questions essentielles posées par Angkar (L'Organisation), qui figure dans la compétition premiers films du Festival Cinéma du Réel.
Cette mémoire n'appartient pas qu'au passé. Les bourreaux d'hier jouissent aujourd'hui d'une totale impunité, ont parfois de hautes fonctions et d'ailleurs « ils sont tous vivants ». On nous décrit des horreurs inimaginables, on les raconte comme on les mettrait à distance, et pourtant cette réalité est encore bel et bien vivante. La douceur sonnée des travellings latéraux ou des vues en plongée et le travail sonore tranchent avec la violence de ce passé qui détermine encore le présent ; ils invitent à l'observation et l'écoute attentives de récits atroces. Là encore, l'observation et l'écoute sont une clef.
Angkar cherche à percer ce silence qui ne permet pas la mémoire. La réalisatrice fait de la transmission de la parole une clef de la mémoire et de l'identité. Dans la lignée du travail de cinéastes comme Rithy Panh ou Joshua Oppenheimer, elle propose une approche sensible et épurée de l'horreur et de la construction de soi. Une réussite.