Ana, mon amour
Roumanie, 2017
De Calin Peter Netzer
Durée : 2h07
Sortie : 21/06/2017
Sept ans dans la vie de Toma et Ana, de jeunes bucarestois modernes et cultivés, au bord de la séparation. Une plongée profonde, parfois drôle, dans les arcanes, charnelles, intellectuelles et affectives, d’un couple contemporain...
FOU D'AMOUR
Ours d'or à la Berlinale il y a quatre ans avec l'impressionnant Mère et fils, le Roumain Calin Peter Netzer fait son retour avec Ana, mon amour. Si Mère et fils parlait d'un amour inconditionnel d'une mère pour son fils (la première faisant tout pour que ce dernier évite la prison après un accident), celui-ci prenait une forme particulièrement tordue. L'histoire d'amour que raconte son nouveau long métrage, étalé sur des années, est à première vue plus littérale: c'est l'histoire d'un couple d'aujourd'hui, de sa passion et de ses turpitudes.
La formule roumaine (voire la formule Netzer) sont rodées. Mère et fils et Ana, mon amour débutent exactement de la même manière: en pleine conversation, avec cette caméra mobile et nerveuse dont Netzer décrivait l'usage dans son précédent film comme l'acceptation d'une perte de contrôle. Cela participe à ces moments d'existence pris sur le vif - on discute Nietzsche tandis que les voisins d'à côté baisent bruyamment, on s'engueule au saut du lit vêtu d'un t-shirt fantaisie. Netzer sait créer cette intimité, une mise à nu qui s'applique également aux moments plus pathétiques. Cette honnêteté est remarquable, mais Ana, mon amour paraît bien plus à l'aise pour communiquer les effets négatifs de la passion que ses effets positifs.
Comme dans Mère et fils, le cinéaste fait le portrait complexe de relations toxiques. Il en remet une couche sur ces parents dragons et leur emprise sur leurs enfants. Mais il fait surtout la peinture de plus en plus délavée d'un amour qui s’abîme, où l'usure et le rapport de force finissent par tout saccager. Cette mécanique ambiguë est assez finement observée, mais pas vraiment servie par la fausse bonne idée d'une structure éclatée en flashbacks et flashforwards. Plus que mettre en perspective, ce montage donne le sentiment d'être un peu aléatoire et installe une distance. Plus gênant, les séquences chez le psy qui soulignent et commentent sont au mieux superflues, au pire lourdingues. Ana, mon amour sait pourtant laisser de l'espace au spectateur. Le mal d'Ana est-il psychosomatique ? Est-ce une tumeur ? Est-ce congénital ? Et si le film épuise, c'est parfois dans le meilleur des sens.