Ana
Real Women Have Curves
États-Unis, 2003
De Patricia Cardoso
Scénario : George LaVoo, Josefina Lopez
Avec : America Ferrera, George Lopez, Ingrid Oliu, Lupe Ontiveros, Brian Sites, Soledad St. Hilaire
Durée : 1h30
Sortie : 21/01/2004
Ana, jeune latino bien en chair de Los Angeles, arrive enfin au bout de ses années de lycée. L’université de Columbia lui tend les bras. Seulement, dans la famille d’Ana, on n’a pas les moyens d’étudier. Il faut avant tout travailler pour garder la tête haute et gagner de l’argent. Ana est donc embauchée, un peu contre son gré, dans l’usine de textile de sa sœur Estela…
LA COMMUNIDAD
Film de communauté latino comme Mariage à la grecque se revendiquait hellène, Ana était a priori promis à un succès ciblé, culturellement hermétique et socialement schématique. C’était compter sans la perspicacité de HBO, précieuse chaîne câblée américaine, à qui l’on doit quelques merveilles telles que la glaçante série Oz, ou encore les non moins recommandables Elephant et American Splendor. A l’origine d’Ana, une pièce de théâtre finement ciselée signée Josephina Lopez qui, un soir de décembre 1998, tape dans l’œil du scénariste et producteur George de LaVoo. Enchanté par l’univers de la jeune fille hispanique, LaVoo se met en contact dès le lendemain avec Lopez, et lui présente son idée d’adaptation. Pour son passage sur grand écran, l’histoire se permet de gagner en envergure, des personnages naissent, d’autres s’amoindrissent, les rapports sont creusés, les thèmes explorés plus en profondeur. D’œuvre identitaire latino, Ana devient un instantané sociétal qui, sous couvert d’une légèreté de comédie, se permet plusieurs détours appuyés par l’immigration, le chômage, la misère et les rapports humains. Pour autant, le film ne perd pas son étiquette hispanique, en se voyant confié, pour la réalisation, à Patricia Cardoso, originaire de Colombie, certes inexpérimentée, mais concernée au premier chef par l’histoire d’Ana. Désormais apte à se dégager du seul public de niche, Ana prend son essor en 2003 aux Etats-Unis et ne tarde pas à se rembourser.
ANA GRAMMES
Sans cette success story, il y a fort à parier que le cheminement d’Ana jusque nos écrans aurait été plus laborieux. Film culturellement codé, politiquement engagé et sagement transgressif quant à la dictature de l’image (comme le dit si bien le titre original, Real Women Have Curves porte haut la cause des jolies rondeurs contre le diktat de l’anorexie de papier glacé), Ana n’est ni un film dur à proprement parler – on est loin de Ken Loach – ni une comédie véritablement hilarante. Ce qui ferait un épatant pilote de série TV, type Angela, quinze ans au pays de Jenny from the block, ne donne à l’écran qu’un joli film sympathique, enjoué et juste. Ce qui n'est déjà pas mal. Avec ce qu’il faut de personnages hauts en couleur (notamment une mère de famille acariâtre, hypocondriaque et religieuse jusqu’au bout des ongles), de situations incongrues (l’obèse effeuillage dans l’usine) et de beaux moments touchants (la défloraison d’Ana), Cardoso signe un long métrage aimable et attachant. Une réussite qui doit pour beaucoup à la vraie trouvaille du film, à savoir la splendide America Ferrera, actrice débutante au naturel confondant, sans la jolie frimousse brune et généreuse de laquelle il aurait à coup sûr perdu beaucoup de son charme.