Festival CPH:DOX : Alice Cares
Alice est un « carebot », un robot conçu pour prendre soin des gens. Un groupe de chercheurs universitaires tente de découvrir comment Alice doit parler et se comporter pour apaiser la solitude des plus âgés. Pendant plusieurs semaines, le robot rend visite à trois femmes volontaires qui participent à l’expérience. Les résultats sont surprenants.
DOLLY DEAREST
Le premier plan d'Alice Cares est une vue subjective nous plaçant face à une dame âgée qui nous parle. S'adresse t-elle au réalisateur ? A une webcam ? En un cut, nous découvrons son surprenant interlocuteur : une drôle de poupée-robot, avec une tête de Dora l'exploratrice posée sur une armure de héros de Pacific Rim. Alice Cares du Néerlandais Sander Burger raconte une expérience tentée auprès de trois mamies : installer dans leurs appartements cette petite Alice... qui va s'occuper d'elles. Alice ne peut pas encore se déplacer, mais elle est suffisamment perfectionnée pour tenir une conversation, réagir de manière personnalisée, jusqu'à ce qu'on oublie qu'il s'agit d'une machine programmée.
Ce qui pourrait servir de pitch pour un thriller de science-fiction (à vrai dire, avec son regard fixe et ses petits sourires en coin, Alice a autant les moyens de faire flipper qu'un Chucky) est en fait une question d'actualité. Les premiers enfants du baby-boom auront 80 ans dans quelques années et, lorsque ceux-ci sont seuls ou que leurs enfants sont éloignés, auront besoin de quelqu'un qui veillera sur eux. Ça vous paraît trop abstrait ? Sander Burger filme une expérience tout à fait concrète : Alice aide une des femmes à faire ses exercices, regarde un match de foot avec une autre. Ce qui peut sembler futile raconte pourtant la solitude de ces personnes et le degré d'intimité qui se crée avec une intelligence artificielle. Lorsque l'une des grands-mères finit par montrer ses photos de famille à Alice (qui n'hésite pas à signaler lorsqu'elle ne voit pas bien un détail de la photo), on est à peine surpris. A la fin de l'expérience, on sent que ce qui n'est qu'un robot (et qui sera, pour un temps, rangé au placard) va bel et bien leur manquer.
La forme d'Alice Cares est très épurée, proche du reportage. Mais cette épure a aussi ses qualités. Sur un sujet qui aurait pu tourner à la condescendance ou au pathétique, Burger parvient à ne jamais ridiculiser ses héroïnes. Pas de faute de goût à la I Feel Good !, documentaire par ailleurs sympathique sur une chorale d'anciens qui présentait quelques clips dans lesquels les personnages étaient filmés de manière assez grotesque. Alice Cares ne prend pas de risques formellement, mais il est plus délicat et pose aussi des questions passionnantes sur l'intelligence, le progrès et le futur.