Alias Maria
María, 13 ans, est une jeune soldate de la guerrilla. On lui donne pour mission de protéger le nouveau-né du commandant. Elle-même est enceinte et décide de garder sa grossesse secrète pour ne pas être contrainte à avorter par le médecin du camp. A travers son regard, le film nous dévoile la terrible réalité du conflit armé en Colombie.
LA FILLE DE NULLE PART
Qui est cette toute jeune fille en treillis, qui tient une mitraillette dans ses doigts où le vernis rose s’écaille ? Maria est l’héroïne d’une histoire hors normes. Membre d’une milice clandestine à seulement treize ans, elle se retrouve à devoir clandestinement s’occuper d’un bébé qu’il faut à tout prix cacher. Dans son camp perdu en pleine jungle, au cœur d’une armée paternaliste où personne n’est assez proche pour se tutoyer, Maria n’a droit à rien, si ce n’est le droit d’obéir. Elle ne doit ni parler ni prendre de décision. Mais heureusement, Maria n’est pas qu’une silhouette en carton, un personnage prétexte pour film exotico-politique. En filmant ses soldats parfois à peine pubères, largués dans un no man’s land luxuriant, le réalisateur combien Jose Luis Rugeles Garcia donne à voir quelque chose de presque inédit sur nos écrans. Mais il ne se contente pas de faire du documentaire déguisé : Alias Maria c’est du vrai cinéma, avec des idées.
Paradoxal pour un film situé en pleine nature : Alias Maria est presque un huis-clos. La caméra et les personnages ne quittent jamais les profondeurs d’une jungle uniforme, labyrinthique et sans repère. Resserrée, l’action se déroule sur à peine quelques jours. Et Maria, seule femme parmi un mini groupe de garçons jouant aux hommes, ne dit quasiment pas un mot de tout le film. Sans aller jusqu’à la radicalité, ces choix minimalistes démontrent une certaine personnalité de cinéaste. On peut s’amuser à distinguer les films les plus intéressants selon le critère suivant : est-ce un film qui préfère poser des questions ou donner d’emblée des réponses ? D’où vient le bébé de Maria ? Pourquoi fait-elle partie de cette milice ? Est-elle consentante ? En laissant toutes ces questions en suspens, en choisissant de ne jamais expliquer ce qui est hors-champs, Jose Luis Rugeles Garcia construit un certain suspens tout en donnant du relief à son héroïne. A la fois survival de poche et bref récit d’apprentissage, Alias Maria est à une réponse prometteuse au world cinéma de carte postale comme aux portraits de femmes plats.