Prix du jury: Adieu au langage

Prix du jury: Adieu au langage
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Adieu au langage
France, 2014
De Jean-Luc Godard
Scénario : Jean-Luc Godard
Durée : 1h10
Sortie : 21/05/2014
Note FilmDeCulte : *-----
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"Le propos est simple. Une femme mariée et un homme libre se rencontrent. Ils s'aiment, se disputent, les coups pleuvent. Un chien erre entre ville et campagne. Les saisons passent. L'homme et la femme se retrouvent. Le chien se trouve entre eux. L'autre est dans l'un. L'un est dans l'autre. Et ce sont les trois personnes. L'ancien mari fait tout exploser. Un deuxième film commence. Le même que le premier. Et pourtant pas. De l'espèce humaine on passe à la métaphore. Ca finira par des aboiements. Et des cris de bébé."

LES MOTS SONT NOS VIES

Une femme à poil, assise dans une chaise longue dans son salon, médite en scrutant dans ses mains une énorme coupe de fruits : « Je vous parle d’égalité et à chaque fois vous me parlez de caca ». Jean-Luc Godard poursuit au fil des films et des décennies son processus de radicalisation. Une radicalisation de ce qui paraissait déjà extrême dans ses films d’il y a dix ans, vingt ans. Une radicalisation qui vire presque à l’abstraction, où le sens se fait désirer, se mérite, se fait subliminal. A tel point qu’il est tentant de voir en ce titre, Adieu au langage, une forme d’aveu, de déclaration d’intention. L’adieu en question est-il celui du cinéaste au langage cinématographie classique, lui qui l’a déjà tellement révolutionné par le passé ? Aussi « autre » soit-il, ce nouveau Godard possède évidemment un aspect familier. On retrouve la grammaire de Godard, ses superpositions, juxtapositions d’images et de discours, intertitres, surtitres, phrases coupées en leur milieu, extraits de vieux films alternés avec des images numériques ultra contemporaines aux couleurs saturées… Quoi de neuf alors ? Au moins la 3D avec laquelle Godard s’amuse le temps de quelques plans abracadabrantesques où l’image se sépare en deux pour s’auto-superposer et se réconcilier d’elle-même. Une 3D qui, c’est la malédiction des lunettes qui ternissent tout, parvient à rendre l’ensemble visuel encore plus dégueulasse et crade que les précédents films de Godard. Le cadre est évidemment de traviole, Le son est saturé, les couleurs aussi, le gris est plus gris que gris… le noir et blanc d’Eloge de l’amour parait bien loin.

La radicalisation vient aussi du fait qu’on perd ici presque totalement le concept de personnage. Certains comédiens sont récurrents à l’image, mais les dialogues et monologues, incrustés en voice-over, semblent n’avoir aucun lien avec eux, vivent leur propre vie. Et quels dialogues. Les maximes mystérieuses de Godard (« En fait le fait ne parle pas de ce que l’on fait, mais de ce l’on ne fait pas » « Monsieur, peut-on produire un concept d’Afrique ? ») virent au jeu de mots digne de l’almanach Vermot (« Le pouce il fait quoi ? Ben il pousse. Et avant il poussait. Donc c’est le Petit Poucet »), jusqu’à même être accompagnés de bruits de flatulence et de matière fécale. Incroyable séquence qu’il faut voir pour croire, où l’on discute philosophie sur les toilettes, bruitages digestifs inclus. Godard ferait-il preuve d’humour ? Faudrait-il moins chercher à creuser toujours plus profond le sens de chaque détail cryptique? Le cliché veut que l’art le plus radical se fout de la gueule du public, quand il cherche le plus souvent à se moquer au contraire des conventions artistiques. On accorde à Godard l’évident bénéfice du doute, mais son point de vue est tout sauf clairement déchiffrable. Le concept narratif prend ici toute la place, jusqu’à étouffer dans l’œuf quasiment toute facilité de compréhension et toute possibilité d’être durablement ému. Ou pour résumer : à trop s’éloigner du langage, Godard fait tomber son film dans les limbes de l’abscons. Un indéchiffrable rébus dont on admire le principe mais auquel on ne comprend pas un plan.

Le Palmomètre: Quitte ou double. Difficile de prévoir si le jury va être sensible, et à quel point, à la proposition de Godard. En cas de présence au palmarès, c’est le prix de la mise en scène qui parait le plus évident, mais le film est tellement autre qu’il n’est pas impossible qu’il vise plus haut. Ou rien du tout.

par Gregory Coutaut

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