Abluka
Turquie, 2015
De Emin Alper
Scénario : Emin Alper
Durée : 1h59
Sortie : 23/11/2016
Kadir est libéré sur parole en échange de son engagement à fouiller les ordures à la recherche de preuves pouvant incriminer les habitants du bidonville. Son jeune frère est chargé d'abattre les chiens errants pour la municipalité. Face au comportement erratique de ce frère distant et de l'épouse infidèle de celui-ci, Kadir est de plus en plus perplexe.
MON VOISIN LE TUEUR
On avait repéré le réalisateur turc Emin Alper grâce à son précédent long métrage, le très prometteur Derrière la colline (primé à la Berlinale en 2012). Au-delà des évidentes qualités esthétiques, ce qui y frappait était la manière bien particulière qu'Alper avait de faire naître une tension singulière en laisser imaginer un hors-champ particulièrement mystérieux. "Qu'y a-t-il derrière la colline ?" se demandaient (jusqu'à en devenir fous) les habitant d'une ferme trop isolée dans la montagne. Les paysages rocailleux ont ici laissé place à un village aride, où chacun sort à peine de chez soi, mais où plane la même angoissante question : "Que se passe-t-il juste à côté de chez moi ?". D'où vient cette tension qui pousse les villageois à tuer illico le moindre chien errant rencontré ?
Le récit d'Abluka ("frénésie" en Français) est ancré dans un quotidien des plus concrets. Kadir sort de prison et revient dans son village, où ses anciennes connaissances sont soupçonnées d'ourdir des actes terroristes. Les faits évoqués sont concrets, la suspicion qui empoissonne le village est réelle, mais le film n'oublie pas d'en faire du cinéma, et cette fois encore, le hors-champ génère des fantasmes riches de sens. Récit policier nocturne aux images parfois paradoxalement lumineuses, Abluka possède un scénario malin. Un scénario qui se permet de changer de protagoniste en cours de route (c'est d'ailleurs quand le film s'attache au frère gentiment bêta qu'il devient le plus intéressant), mais surtout qui avance avec un équilibre enviable sur deux tableaux : celui d'un suspens factuel, particulièrement efficace, et le portait métaphorique d'une destinée humaine absurde et glaçante. Une réussite.