Abjad, la premiere lettre
Abjad
Iran, 2003
De Abolfazl Jalili
Scénario : Abolfazl Jalili
Avec : Abdolreza Akbary, Farhad Fard Vand, Fariba Khademy, Mina Molania, Mehdi Morady, Sharare Roohy
Durée : 1h40
Sortie : 01/01/2003
14 ans, l’âge de toutes les passions. Emkan découvre les sens et les sentiments: l’art d’un côté, jugé scandaleux par l’intégrisme religieux galopant, Maassoum, de l’autre, jeune fille juive pour qui il brûle d’amour. Cependant, la révolution islamique est en marche...
JALILI, UN AUTEUR A REDECOUVRIR
Jusqu’au festival Portraits de Téhéran, on connaissait fort mal Abolfazl Jalili. On avait tort. Réalisateur primé dans de nombreux festivals (à la 60e Mostra de Venise, notamment, où Abjad fut présenté en son absence, faute de visa), reconnu par ses pairs (sa participation, aux côtés, entre autres, de Jean-Luc Godard et de Bernardo Bertolucci, à une prochaine compilation de courts métrages, Paris, je t’aime, n’est qu’un des indices de cette reconnaissance), Jalili gagne à être connu. De sa filmographie (Det, une petite fille, Delbaran, Milad, …), on retiendra surtout le formidable La Gale, véritable chef-d’œuvre de film carcéral juvénile, à la croisée des chemins de François Truffaut et de William Golding. C’était en 1988, Jalili ressuscitait l’époque du Shah en décors naturels et nous faisait vivre de l’intérieur la cruauté enfantine, livrée à une poignés d’adultes planqués derrière leur bêtise et leurs aspirations dictatoriales. En 2003, le réalisateur iranien a pris de la bouteille, a gagné en assurance, perdu un peu en spontanéité, mais reste toujours aussi sincère et pertinent lorsqu’il évoque les années 70.
PRIMA DELLA RIVOLUZIONE
C’est à une histoire simple que nous convie Jalili. A moins que ce ne soit son œil de cinéaste qui la rende simple, au sens le plus noble du terme. Toujours est-il que cette histoire, c’est la sienne. Celle d’un petit gars de 14 ans, réprimé, étouffé dans ses inclinaisons sensuelles et esthétiques, au sein d’un pays en quête d’ascétisme religieux. Presque un conte, une chronique de la folie humaine, mais également une histoire de la naissance de l’art. Car Emkan, double autobiographique d’Abolfazl, va tenter de s’arracher à cette société dont il rejette les valeurs, et partir en quête de ses passions. Caméra super 8 à la main, Emkan va faire de sa vie une fiction, de son voyage une initiation, de Téhéran jusqu’à Ahwaz, Maassoum au bout du chemin. Evidemment, les détracteurs du cinéma iranien ne manqueront pas de relever les poncifs dont Abjad semble truffé. Destins d’enfants, intégrisme religieux, amour contrarié, artistes mis au ban… Et il faut bien reconnaître que Jalili semble parfois tenté d’appliquer une "méthode" à l’iranienne. La fraîcheur de ton de La Gale n’est effectivement plus exactement de mise. Il n’empêche que Jalili reste un formidable conteur, un manipulateur d’ellipses hors pair. Et un incorrigible optimiste.