A ma soeur
France, 2000
De Catherine Breillat
Scénario : Catherine Breillat
Avec : Laura Betti, Romain Goupil, Arsinée Khanjian, Roxane Mesquida, Anaïs Reboux, Libero de Rienzo
Photo : Yorgos Arvanitis
Durée : 1h33
Sortie : 07/03/2001
Elena et Anaïs sont sours. Pourtant, elles ne se ressemblent pas du tout. Autant l'aînée, Elena, 15 ans, est belle et attire les convoitises des mâles, autant Anaïs est grosse et moche. C'est en vacances à la mer qu'Elena rencontrera le garçon, un bel Italien, qui lui fera perdre sa virginité. Et c'est en observant sa sour qu'Anaïs tirera des conclusions importantes sur la question.
Comme tous les films de Catherine Breillat, et sans doute plus encore pour celui-ci, A ma soeur est un film autobiographique, ou plus exactement qui contient des éléments autobiographiques. Il s'agit manifestement pour la réalisatrice d'une façon de se défouler en donnant libre cours à ses désirs refoulés. Ici c'est d'autant plus flagrant que l'une des deux protagonistes principales, la jeune Anaïs, lui ressemble physiquement. Comme celle-ci, elle se pose comme témoin, parfois très proche (puisque partageant sa chambre) des turpitudes sexuelles de sa sour. Elle les analyse, en tire des conclusions, et agit en conséquence (comme Breillat le fait tout au long de sa filmographie, qui a au minimum le mérite de la cohérence). Anaïs utilisera cette expérience dans le final hallucinant du film, à la fois terriblement cynique et presque moral, ce qui la sauvera. Et ce dénouement est amené par un gros quart d'heure de suspense à la limite du soutenable, lors du trajet du retour, car on sent, on sait qu'il va se passer quelque chose, sans qu'il soit possible de définir quoi. On est en présence ici d'une grande cinéaste de la tension, qui fait, et avec quel talent, trembler le spectateur avec bien peu de choses au fond. Avant cette fin sous forme de fait divers, A ma soeur est une chronique de mours adolescentes très juste, sous fond de veulerie masculine, mi-tendre mi-cruelle, mais toujours crue, Breillat n'ayant jamais craint d'affronter son sujet de prédilection, la sexualité, de face. Et même si on ne peut parler de déterminisme, le final magistralement amené n'est en rien en opposition avec ce qui le précède. Il s'agit, en quelque sorte, de la morale de l'histoire.
On retiendra aussi l'excellence du casting, ce qui n'a pas toujours été le cas chez Catherine Breillat, avec la débutante Anaïs Reboux, son véritable double à l'écran, et Roxane Mesquida, belle petite allumeuse, déjà vue chez Benoit Jacquot dans l'Ecole de la Chair. Enfin, il faut signaler la performance dans le rôle de la mère d'Arsinée Khanjian, la compagne à la ville d'Atom Egoyan, qui contribue formidablement bien au climat d'inquiétude qui enserre la fin du film.
Sans qu'elle s'assagisse pour autant, A ma soeur est donc sans doute le film le plus abouti de cette cinéaste controversée, qui nous livre une oeuvre coup de poing, ou plutôt bras d'honneur, clairement sous forme de revanche personnelle sur le sort. Un film très houellebecquien, dans la droite lignée des théories de l'écrivain sur la sexualité.