A la croisée des mondes: la boussole d'or
The Golden Compass
États-Unis, 2007
Durée : 1h54
Sortie : 05/12/2007
Lyra, 12 ans, est une orpheline rebelle qui vit à Jordan College, un établissement de l'Université d'Oxford, dans un monde parallèle qui ressemble au nôtre mais qui a évolué de façon un peu différente. Elle a pour compagnon Pantalaimon, son dæmon, un être capable de prendre de nombreuses formes animales. Le monde de Lyra est en train de changer. L'organisme gouvernemental global, le Magisterium, resserre son emprise sur le peuple. Ses sombres activités l'ont poussé à faire enlever des enfants par les mystérieux Enfourneurs. Parmi les gitans, qui ont perdu beaucoup des leurs, court une rumeur : les enfants sont emmenés dans une station expérimentale quelque part dans le Nord, et on pratique sur eux d'abominables expériences... Lorsque Roger, le meilleur ami de Lyra, disparaît à son tour, la petite fille jure d'aller le chercher, jusqu'au bout du monde s'il le faut...
IN A LAND CALLED FANTASY
Ne vous laissez pas berner par la promotion du film mettant en avant l’héroïne prépubère et les animaux qui parlent, Nicole Kidman n’est pas une sous-Tilda Swinton tout comme A la croisée des mondes n’est pas du sous-Narnia. A la base, il y a une trilogie littéraire fascinante de la plume de Philip Pullman, l’anti-C.S. Lewis par excellence, comme en témoigne la condamnation de l’Eglise au travers des trois romans en question, qui surnagent bien au-dessus des Eragon et autres Portes du Temps qui se sont récemment frayé un chemin des librairies jusque dans les salles. Alors qu’en est-il de l’adaptation? A l’issue des 1h54 qui passent comme une lettre Fed-Ex, le constat est plutôt positif, sans non plus s’avérer parfait. Pour le résumer de manière succincte, une nouvelle comparaison s’impose, cette fois-ci avec l’une des deux franchises ayant lancé cette vague, à savoir Harry Potter. Au même titre que le volet initial des aventures du jeune sorcier, ce premier chapitre de la saga de Pullman suit très fidèlement l’intrigue du livre tout en respectant l’esprit de l’auteur original. On note quelques simplifications dans l’histoire mais rien de bien regrettable. Les daemons ne sont pas transformés en vulgaires sidekicks animaliers, comme ils auraient aisément pu l’être, et les acteurs ont été choisis à la perfection, à commencer par Dakota Blue Richards, qui incarne à merveille la jeune Lyra. Mais avant toute chose, ce que les fans de la première heure craignaient le plus était de voir le propos de l’écrivain disparaître au profit des producteurs trop craintifs d’une réaction négative du public; il n’en est rien.
UNTIL YOU HAVE A VICTORY
Si le mot "Eglise" a été remplacée par "Magisterium", le message demeure néanmoins clair et non moins souligné par le biais de nombreuses scènes où la magnétique Mrs. Coulter, parlant pour l’Autorité, affirme son désir de contrôle sur le peuple et le besoin d’éradiquer les pensées impures que les enfants commencent à éprouver à la puberté. Et Chris Weitz de promettre d’explorer plus avant le discours théologique de la trilogie au sein des deux suites à venir, à l’instar des deuxième et troisième tomes littéraires. Si le metteur en scène, qui signe également le scénario, n’a pas l’étoffe d’un Peter Jackson, il propose néanmoins une approche moins lisse que celles de Chris Columbus (les deux premiers Harry Potter) ou Andrew Adamson (les deux premiers Narnia). Après s’être battu pour la chaise de réalisateur, qu’il a un temps abandonnée, effrayé par l’ampleur du projet, Weitz traduit son amour pour l’ouvrage original par l’intermédiaire de petits détails parsemés ça et là. Un plan furtif illustrant une ligne du livre, décrivant une simple poignée de main, une aurore boréale dessinée dans le ciel dans le dernier plan du film, ou encore la retranscription sans concession de l’issue du combat entre Iorek et son rival pour le trône du royaume des ours. A ce titre, Iorek Byrnison, l’ours en armure über-cool à qui l’impérial Ian McKellen prête sa voix, s’impose comme l’élément mémorable du film, reproduit à la perfection par la magie des effets spéciaux. Il en va de même pour les daemons, du fidèle Pantalaimon au vicieux singe doré. Tout le long, l’univers foisonnant de Philip Pullman respire à l’écran. On regrettera cependant une certaine précipitation dans l'enchaînement des séquences et l'ablation de la conclusion originale du roman, reportée au début du second film. L’essentiel est là mais ce n’est pas tout à fait ça. Alors on espère que ce premier essai au budget monstrueux (officieusement estimé à 250 millions de dollars) rencontrera un succès suffisant à garantir la mise en chantier des deux épisodes restants. A la croisée des mondes le mérite.