A Story of Children and Film
Une exploration de l'enfance au cinéma à travers 53 films, tels que E.T. ou Le Ballon rouge, provenant de 25 pays différents.
LES ENFANTS SONT FORMIDABLES
A Story of Children and Film, le nouveau documentaire de Mark Cousins (après l’imposant The Story of Film) n’est pas une histoire du cinéma à proprement parler. Pas d’exploration chronologique mais plutôt une succession d’extraits de films selon certains thèmes choisis, avec comme fil directeur une vidéo réalisée par Cousins de son neveu et sa nièce en train de jouer. Les extraits sélectionnés virevoltent d’une époque et d’une région du monde à l’autre, mais reviennent sans cesse à ce point de départ et d’arrivée : deux enfants jouant aux billes dans un salon. Séquence qui, passé son rôle d’exemple-prétexte, n’offre d’intérêt qu’à ceux qui fondent devant la moindre grimace de bambin. Mais peu importe, car le cœur du film de Cousins, les morceaux de choix, ce sont évidemment les extraits d’autres films. Il faut lui reconnaître un grand travail de recherche et une volonté de mêler aux films emblématiques attendus (E.T., Kes), des œuvres méconnues ou oubliées, aux origines parfois inattendues (de la science-fiction danoise des années 40, de la résistance antinazie vue d’Albanie, un Citizen Kane tchèque, etc..), et ne pas avoir oublié des films parfois très récents (Moonrise Kingdom, Little Bird), évitant à l’ensemble de tourner au manuel scolaire, prouvant ainsi surtout que l’histoire du cinéma est toujours en marche, et que la discipline reste particulièrement jeune. Le cinéma serait-il un « enfant » parmi les autres formes d’art ? C’est l’une des belles idées du film – dommage qu’elle n’arrive qu’en conclusion.
A Story of Children and Film ouvre ainsi plusieurs pistes parfois fascinantes, reliant un pays à sa thématique fétiche (les enfants dans les films anglais ou soviétiques sont le plus souvent vus sous l’angle de leur classe sociale, les enfants japonais serait des personnages souvent timides, les petits iraniens sont colériques face au monde qui les entoure…), mais cette idée, qui aurait sans doute mérité un film à elle toute seule, est aussitôt abordée qu’elle est mise de côté. Un schéma qui se répète hélas souvent : l’influence de Tom & Jerry sur Lynne Ramsay, l’aisance supérieure des femmes à faire tourner des enfants, les inspirations scandinaves de E.T.… De même que les nombreux extraits donnent envie de découvrir ces films rares, Mark Cousins nous laisse en perpétuelle envie d’en savoir plus. S’il est bon de ne pas trop en dire, il faut parfois aussi savoir en dire assez. Or A Story of Children and Film laisse une double impression assez curieuse : l’émerveillement face à un immense livre d’histoires ouvert devant sous nos yeux, et la frustration de n’en avoir qu’un aperçu superficiel. On se retrouve avec le sentiment un peu amer de voir un simple best-of, la bande annonce d’un documentaire fascinant et généreux. Il manque certes à l’ensemble un point de vue plus prononcé. Mais ne serait-ce que pour avoir cité comme deux des meilleurs exemples de films sur l’enfance les merveilleux I Wish de Kore-Eda et Moving de Shinji Somai (et pour les avoir mis en parallèle par un bouleversant montage), ce documentaire mérite le respect.