A Ghost Story
États-Unis, 2017
De David Lowery
Avec : Casey Affleck, Rooney Mara
Durée : 1h27
Sortie : 20/12/2017
Apparaissant sous un drap blanc, le fantôme d'un homme rend visite à sa femme en deuil dans la maison de banlieue qu'ils partageaient encore récemment...
LE TEMPS QUI RESTE
« N'aie pas peur » : ce sont parmi les premiers mots qu'on entend dans A Ghost Story. Le long métrage a effectivement beau être un film de fantômes, ce n'est pas un film de peur, pas un film d'horreur. Son héros est un spectre certes, et c'est d'ailleurs la première idée folle du film : c'est un fantôme sous un drap, comme le plus cheap des costumes d'Halloween... ou comme le blanc linceul d'un mort du 19e siècle. Voilà l'équilibre périlleux sur lequel s'engage David Lowery, avec cette figure centrale à la fois absurdement grotesque et d'un sublime mélodramatique, à la fois simplement littéral et extrêmement poétique. A Ghost Story raconte l'histoire d'un couple, bientôt séparé par la mort. Séparé, vraiment ? Lowery, comme les meilleurs réalisateurs du genre, se sert du surnaturel pour explorer l'humain, et l'histoire de fantôme promise est une bouleversante méditation sur le deuil, le souvenir et le temps.
La lenteur de A Ghost Story est hypnotique. Ce n'est ni un gimmick, ni une posture – et on a souvent oublié ces dernières années que le cinéma devait, parfois, prendre son temps. Le film accompagne l'héroïne (Rooney Mara), veuve, au temps arrêté. Il accompagne son mari (Casey Affleck, sous le drap), mort, au temps étiré. A Ghost Story investit ces différentes dimensions temporelles (et même au-delà) en imprimant un tempo exigeant, avec cette image comme légèrement voilée, d'une beauté crépusculaire à tomber à la renverse. La lumière décline et le temps passe. Comment faire avec son passé ? Et le temps qui vient ? Qui se souviendra de nous ? Quelle est la mémoire des lieux ? Lowery aborde des questions existentielles en convoquant le conte, le poème, les touches parfois de comédie, et d'autres registres qu'on ne dévoilera pas. Car le film d'abord farouchement minimaliste déploie peu à peu son immense ambition.
A Ghost Story évoque le travail effectué par l'Américain Richard McGuire qui, dans sa bande dessinée Ici, proposait une vertigineuse exploration du temps en un lieu unique. Ici, c'est ce dont parle le film de Lowery, de la vie et de la mort observées dans une maisonnette par un spectre qui, plutôt que d'être un esprit frappeur et terrifiant, est avant tout une présence mélancolique. C'est la dimension tristement humaine de ce fantôme qui bouleverse, que le film soit dans le dénuement complet, presque muet, ou dans ses décrochages, ses sauts dans le vide. C'est un voyage unique auquel le réalisateur nous convie, lui qui parvient comme on ne l'aurait jamais imaginé à rendre des draps absolument émouvants.