Festival Chéries-Chéris: 52 Tuesdays
Billie, jeune fille rebelle de 16 ans, voit son indépendance accélérer lorsque sa mère lui révèle son projet d’effectuer une transition FtM. Le temps qu’elles peuvent passer ensemble devient ainsi limité aux mardis après-midi.
LE MARDI C’EST PERMIS
Parmi les nombreux festivals où a été projeté 52 Tuesdays (de Sundance à son Australie natale), il y a eu la dernière Berlinale, dans la catégorie Generation, une section réservée aux films destinés à un public ado et qui a pour principale qualité de ne pas prendre ces derniers pour des demeurés. Un compliment que l’on adresse également au film en lui-même. Alors qu’en France les bien-pensants cherchent à tout prix à protéger les oreilles sensibles de toute notion de genre, la réalisatrice Sophie Hyde filme l’histoire de la jeune Billie qui accompagne Jane, sa mère, souhaitant enfin devenir l’homme qu’elle se sent être, dans son processus de réassignation sexuelle. Un sujet presque inédit au cinéma (ou les transsexuels sont le plus souvent dans le sens male-to-female), traité de manière non-traumatisante, et qui plus est vue à hauteur d’ado ? Qui dit mieux ? Sans faire de la prime au sujet, il faut saluer l’audace du film d’aborder un tel thème sous un angle inattendu.
Parmi les partis pris les plus excitants du film, il y a évidemment cette façon de ne jamais traiter l’identité de la mère comme un problème à résoudre, en désamorçant par exemple l’effet d’annonce (scène redoutée et évitée) mais aussi en évitant toute interprétation psychologique. La question « pourquoi » n’est jamais abordée, et tant mieux. Car, bien que juste et réaliste (on y parle effectivement d’hormones et chirurgie), 52 Tuesdays frappe d’abord par sa douceur. A l’image de son héroïne, Billie, une ado tellement compréhensible et cool qu’elle frôle parfois le cliché fantasmé. Mais le scénario suit autant la transition de la mère que celle de la fille, qui devient femme à son tour. Billie perd alors un peu de son côté lisse dans une éducation sexuelle clandestine et un peu tordue, à base d’orteils, de plans à trois et de peep shows. C’est tout à l’honneur du film que de vouloir traiter la réattribution sexuelle comme un événement parmi d'autres, quitte à la faire passer carrément au second plan. Hélas, ce parcours parallèle ne possède pas l’habileté et la simplicité de celui de Jane/James.
Comme l’indique le titre, l’histoire de 52 Tuesdays s’étale sur les 52 semaines de cette année de double-transition. Et le tournage a bel et bien eu lieu chaque mardi pendant un an, au fil de la réel transition de son acteur Del Hebert-Jane, comme une sorte de mini-Boyhood. Le scénario a-t-il été (ré)écrit au fil des scènes tournées chaque semaine ? Nous n’en savons rien, mais cette impression d’improvisation domine à mesure que se multiplient les pistes et les personnages, abandonnés puis réutilisés un peu trop artificiellement. La réassignation sexuelle n’est pas un processus avec une fin précise et définitive, et on reste avec l’impression bizarre que Sophie Hyde s’est elle-même demandée comment trouver une fin à son film. La multiplication des supports d’images (Billie se confie régulièrement à sa caméra) trouve une justification malhabile et quelque peu reloue dans un dénouement sur le rapport des ados à internet, qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Entre temps, les qualités du début sont hélas devenues des défauts : ni simple ni direct, 52 Tuesdays vire au psychologique maladroit. Dommage.