45 ans
45 Years
Royaume-Uni, 2015
De Andrew Haigh
Scénario : Andrew Haigh
Avec : Charlotte Rampling
Durée : 1h33
Sortie : 27/01/2016
Un homme et une femme s'apprêtent à fêter leurs 45 ans de mariage. Mais la fête est compromise lorsque le corps du premier amour du mari est retrouvé intact dans les glaces des Alpes suisses...
HANTE PAR SES EX
Par plusieurs aspects, 45 ans ressemble à un reflet inversé de Weekend, le film qui avait révélé Andrew Haigh il y a quatre ans. Dans ce dernier, Haigh filmait un amour naissant et parlait avec un tact bouleversant de la difficulté qu'il peut y avoir à bâtir une intimité avec quelqu'un. Le couple de protagoniste de 45 ans ne sont plus des débutants. Ils s’apprêtent à fêter leur 45e anniversaire de mariage, sont toujours tendres l'un envers l'autre, et sont mêmes cités en exemple parmi leurs amis. L'intimité leur semble acquise. Mais y a-t-il vraiment un âge où l'on cesse de se poser des questions? Quand un couple dure depuis si longtemps, ce qui s'est passé avant la première rencontre peut-il encore vraiment représenter une menace? Raisonnable et sûre d’elle, Kate (Charlotte Rampling) croit avoir les réponses à ces questions, mais lorsque son mari voit ressurgir de son passé (au sens propre) une ancienne petite amie disparue, l'affect prend le pas sur son raisonnement. L’ex en question avait tragiquement disparu lors d’une randonnée en montagne, en tombant dans une crevasse. « Une fissure dans la roche », précise Geoff, qui ne réalise pas encore que la phrase s’applique aussi bien à son couple.
Si l’amour de Kate et Geoff vacille, ce n’est pas face à l’horreur du fait divers, mais devant le deuil non-accompli, celui d’un premier amour qui refuse de se laisser enterrer dans un passé révolu. On ne voit jamais dans le film la jeune fille en question, pas même en flashback (à peine une photo). Haigh reste avec ses deux protagonistes, toujours ensemble et pourtant de plus en plus séparés à mesure que grandit l’incompréhension. La menace de naufrage se passe en sourdine, subtilement cachée dans un quotidien que l’on croyait confortablement rangé. Le temps de quelques scènes fugaces, 45 ans donne une dimension presque onirique à la perte de repère de Kate (un rêve, une porte qui se ferme, un bruit au grenier), mais il reste très majoritairement un film réaliste, qui tire précisément sa force de l’acuité de son regard sur le quotidien. Ce n’est pas un tsunami qui s'abat sur les amoureux, mais une ombre, qui grandit petit à petit mais inexorablement. Cette subtilité, on la retrouve dans le jeu des comédiens, Tom Courtenay et Charlotte Rampling. En un regard fuyant, en un port de tête, tous deux excellent à traduire de sombres sous-entendus. L’écho de leurs filmographies, de leurs rôles passé, de leur lien au Swinging London apporte même un sous-texte émouvant à l’histoire de Kate et Geoff. Les sommets d’émotions atteints par Weekend étaient plus hauts, le suspens était peut-être plus poignant, mais l’amertume de 45 ans se révèle d’une grande élégance.