PIFFF : 31
États-Unis, 2014
De Rob Zombie
Scénario : Rob Zombie
Avec : Malcolm McDowell, Sheri Moon
Durée : 1h43
Le 30 octobre 1975, cinq personnes choisies au hasard sont enlevées et retenues en otage dans un endroit appelé Le monde du crime. Durant la nuit d'Halloween, ils devront se battre pour survivre à un jeu violent et sadique...
IN HELL EVERYBODY LOVES POPCORN
Les fidèles du site le savent déjà, chez FilmdeCulte, on aime Rob Zombie d'une passion parfois dévorante, de celles qui vont vous faire pardonner certains "tics" à un cinéaste mettant un point d'honneur à ne jamais être là où on l'attend. Nous ne pouvions donc que nous réjouir dans l'attente de 31, ce nouveau massacre que le monsieur n'a eu de cesse de teaser sur les réseaux sociaux comme son œuvre la plus extrême, du pur malaise imprimé sur celluloïd et qui devait laver nos petits yeux encore tout souillés par une année de péloches horrifiques remplies jusqu'à ras bord de jump scares foireux dans des couloirs mal éclairés. Autant crever l'abcès tout de suite, 31 est un foirage, pire, il résonne en nous comme un douloureux constat d'échec et d'impuissance. Petit retour trois ans en arrière, Lords of salem vient de débarquer et se fait éreinter par à peu près tout le monde, même les fans n'aiment pas... Trop atmosphérique, trop hermétique (normal, ce diamant noir ne parle déjà que d'enfermement), pas assez gore, le jugement est sans appel et le "testament" de Rob se fait lapider. Le réalisateur lui n'en a que faire, son style, son propos ont survécu à la machine à laver Blumhouse (la même qui a dilué un autre de nos chéris, Greg McLean et son The Darkness dernièrement), il a déjà la tête ailleurs. Plus exactement à Broad Street Bullies, son projet chéri, celui qu'il veut signer de son vrai nom et qui doit le libérer du genre dans lequel il s'est enfermé, un film de hockey ultra-violent adapté d'un documentaire HBO retraçant l'épopée sauvage, empli de coups et de crosses, de l'équipe des Philadelphia Flyers dans les 70's. Mais le film ne se monte pas, l'Hollywood de notre temps n'aimant guère que l'on sorte de la case, de la fonction qu'on vous a attribué. Ce n'est que parce qu’il a bien baissé son froc qu'on a laissé James Wan faire mumuse à la bagnole et tout casser dans Fast 7 et Zob Rombie ne compte malheureusement pas quatre cartons mondiaux dans sa filmographie. 31 s'est donc fait au pied du mur, né de ce constat, cette frustration, et monté grâce à deux campagnes de crowdfunding bâties sur la vente de goodies et accessoires des précédents long métrages du métaleux.
THE DEBIL’S REJECTS
Histoire d'appuyer un peu notre propos, le film s'ouvre sur une citation de Franz Kafka: "Un premier signe du début de la connaissance est le désir de mourir". Ambiance... Première scène : dans un noir et blanc superbe, un des sickfuck du film, tendrement baptisé Doom-Head (interprété par Richard Brake, il est le seul méchant effrayant et réussi du film, mais nous y reviendrons), assène un édifiant monologue face caméra : "Bonjour, ils m'appellent Doom-Head. Non, ce n'est pas comme ça que je me nomme, mais c'est comme ça qu'ils m'appellent. Qui ça ? Des types mystérieux qui me filent plein de pognon pour faire mon travail. Et mon travail, malheureusement pour vous, je le fais très bien. Maintenant, on va éclaircir une chose : je ne suis pas un putain de clown ! ...". Remplacez donc Doom-Head par Rob Zombie, vous voyez où nous voulons en venir... Ah il est aigri, énervé même le monsieur et à ce stade du film, l'amateur de mise en abîme que nous sommes s'est déjà vissé le cul à son fauteuil de peur de rater une miette du nouvel exorcisme de son idole. Hélas, cette intro, métatextuelement géniale, sera le seul os filé à ronger aux pauvres chiens errants et affamés que nous sommes. Derrière : générique, plus une seule idée originale ne viendra traverser le sixième effort du bonhomme, la faute principalement à un scénario foutraque et une caractérisation fainéante. Citant à longueur d'interview Les Chasses du Comte Zaroff de Schoedsack et Pichel, Zombie ne rend pas vraiment hommage à son séminal modèle, tant on se surprend à penser à un mélange de Saw 2 avec la saga des American nightmare, un opportunisme gênant auquel le réalisateur ne nous avait pas habitué. De plus, aucun background n'est ici justifié : la fête d'halloween qui donne son nom au film ? Les années soixante-dix ? L'action pourrait se dérouler n'importe quand... Rob Zombie se fout en terrain connu, chausse ses pantoufles et livre un simple mash-up de La Maison des 1000 morts et de The Devil’s rejects. Trop occupé à faire son "best-of", il oublie d'inscrire son histoire dans un monde tangible pour le spectateur, annihilant ainsi toute implication. Pourquoi s'embêter à créer de nouveaux personnages alors qu'on peut piocher dans ceux d'avant ? En cela, le groupe de héros n'est ni plus ni moins qu'une version positive de la famille Fyrefly, Sherry Moon Zombie en tête. Comme si tout cela n'était pas assez révélateur du laxisme de l'entreprise, Robby rajoute des éléments scénaristiques en veux-tu en voilà, eux aussi totalement inutiles et jamais justifiés ni approfondis. Des vieux habillés en marquis vénérant le diable et entourés de nanas à poil ! Un nain nazi et mexicain ! On assiste au spectacle, incrédule, se demandant si Rob Zombie donne le numéro de son dealer dans le générique de fin. On y croit tout simplement pas, ce manque d'implication rendant de fait la sauvagerie du film bien inoffensive.
DANS L'ENFER DU Z?
Au milieu de ce fatras d'illusions perdues qu'on aurait sûrement adoré il y a dix ans, on se raccroche à ce qu'on peut comme la direction artistique qui a, comme toujours, une classe folle. On peut cependant regretter que le look des clowns tueurs soit finalement assez éloigné des croquis préparatifs que l'on a pu voir sur la toile pendant la pré-production du film et que nous vous invitons à dénicher sur le site robzombie.com . En l'état, les psychos, excepté le fameux Dom-head, ressemblent plus à des clodos bien peu inquiétants. De plus, un abus de shaky-cam dans l'action, rend le spectacle pas toujours lisible, là où le projet invitait en lui-même à répéter les expérimentations de mise en situation aperçus dans Halloween 2 et inspirés des jeux vidéos Metal Gear Solid d'Hideo Kojima et surtout Manhunt de chez Rockstar. La musique de John 5 fait le boulot comme on dit, singeant tour à tour Carpenter et Goblin (oui, c'est la mode...). Très sincèrement, le tout est certainement beaucoup mieux emballé que la moyennes des péloches du genre que l'on a eu l'occasion de voir dernièrement, mais reste surtout le sentiment de voir quelqu'un qu'on adore courber l'échine. Rob Zombie s'est refait lui-même prisonnier, a jeté la clef et il y a de grandes chances de le voir traiter ses prochains projets comme ses albums musicaux : efficaces mais peu inspirés... Catalogué grand croquemitaine en chef, Rob Zombie est maudit. Il est le docteur Frankenstein mais aussi son monstre. A la fois créateur et créature.
Clément Gerardo