25 degres en hiver
Belgique, 2004
De Stéphane Vuillet
Scénario : Pedro Roméro, Stéphane Valandry, Stéphane Vuillet
Avec : Jacques Gamblin, Carmen Maura, Raphaëlle Molinier, Pedro Roméro
Durée : 1h30
Sortie : 21/07/2004
Bruxelles, mois de janvier, journée exceptionnellement chaude pour la saison. Miguel est en retard, comme chaque matin. Il travaille pour l’agence de voyages de son frère Juan et doit délivrer des billets. Ce jour-là Sonia, une clandestine sans papiers qui recherche son mari, va faire irruption dans sa vie. Débordé par la situation il va finalement accepter de l’aider, escorté de sa très curieuse fille, et de son omniprésente maman qui va ajouter son gros grain de sel. Une équipée de choc pour une journée qui ne le sera pas moins.
BELGIQUE, TERRE DE RENCONTRES
Stéphane Vuillet est français mais vit à Bruxelles. Il a déjà réalisé plusieurs courts et 25 degrés en hiver est son premier long métrage. Tous ses films, jusqu’à présent, se déroulent sur une seule journée. Ici, il a choisi Bruxelles et plus particulièrement Saint Gilles, un quartier situé au sud, qui pour lui convenait à cette histoire d’immigrés espagnols. Bruxelles est en effet au carrefour de l’Europe, à mi-chemin entre la Russie de Sonia et l’Espagne de Miguel. Où pouvaient-ils mieux se rencontrer qu’au cœur de la ville européenne? Car ils sont, seuls, les personnages du road movie urbain de Stéphane Vuillet. Le spectre de l’abandon plane sur le film: pour la petite Laura, dont la maman est partie chanter aux Etats Unis sans donner de date de retour, et qui tout au long de cette histoire exprime, à qui saura l’entendre, la douleur de cette déchirure; pour son papa, Miguel, débordé par la vie, perdu depuis que sa femme est partie, et pour Sonia, dont le mari a quitté l’Ukraine pour gagner de l’argent et qui depuis ne donne plus de nouvelles. Ces trois personnes ont un tel besoin d’amour qu’elles ne peuvent que se croiser, se trouver.
TRAGI-COMIQUE
Le film a un sujet difficile, mêlant des thèmes comme l’abandon, l’exil, la trahison, la pauvreté, mais est pourtant abordé comme une comédie. Le spectateur rit du début, passée l’introduction, jusqu’à la fin. Les scènes d’émotion sont coupées dans leur sommet pour faire place à une touche d’humour. Cette alternance est l’ambition de départ du film, à savoir est-ce possible de raconter une histoire à la fois drôle et tragique. Pour Stéphane Vuillet, face à un drame, il est toujours mieux de trouver la force de rire, une manière de cacher la douleur, de trouver la force de ne pas se réfugier dans les larmes mais au contraire de prendre le parti de la vie, le parti d’en rire, ou mieux encore, de faire rire. Il réussit d’ailleurs très bien dans cet exercice, que ce soit avec des dialogues percutants, du comique de situation ou encore le simple personnage de la maman de Miguel, au potentiel comique tellement incroyable que sa seule présence suffit à rendre une scène hilarante (scène de l’hospice). Stéphane Vuillet, grand admirateur de Pedro Almodovar voulait depuis longtemps travailler avec Carmen Maura, et c’est grâce à sa productrice, Marion Hanzel, que ce rêve de cinéphile est devenu réalité.
MELTING-POT
Amoureux de l’Espagne, son pays de cœur, Stéphane Vuillet a non seulement choisi des acteurs espagnols, mais avec eux toute la saveur de la péninsule ibérique. Ainsi, le rythme du film est dynamisé par le son si entraînant du flamenco, qui colle parfaitement avec l’histoire, tout comme les clichés espagnols qui ajoutent une touche comique supplémentaire au film. 25 degrés en hiver est un film qui nous fait voyager, que ce soit à travers les images - les somptueux plans de la vraie Bruxelles entre autres - mais aussi à travers ce mélange de langues, les acteurs y parlant français, espagnol, russe et flamand. Les acteurs sont pour beaucoup dans le succès du film, tant ils rendent leurs personnages attachants. Que ce soit la petite Raphaëlle Molinier (déjà vu dans Carnages), petite fille qui souffre du manque d’amour maternel, Jacques Gamblin, magnifique d’émotion en homme trop blessé pour voir la souffrance de sa fille, l’actrice lituatienne Ingeborga Dapkunaite qui filmée avec beaucoup de sensualité, illumine l’écran de sa beauté, sans oublier Carmen Maura en mama espagnole fan des Feux de l’amour très intriguée par la tournure que va prendre l’histoire de Sonia.
BIJOU D’HUMANITE
25 degrés en hiver est un film qui va vous faire rire, beaucoup rire, mais également vous amener aux larmes, tant l’émotion côtoie l’humour. Une émotion qui ne s’exprime pas toujours haut et fort: les blessures intérieures peuplent aussi les non-dits, se glissent entre les mots, ou encore se lisent sur les visages des personnages. Jacques Gamblin a d’ailleurs comparé le film à une esquisse, expliquant que les plus réussies ne disent pas tout, mais l’essentiel. Un film essentiel qui, présenté au dernier festival international du film de Berlin, avait alors été un rayon de soleil réchauffant le triste mois de février. Il semble qu’en ce début de mois de juillet, à défaut d’être dans les rues, la chaleur soit une fois de plus au rendez-vous dans les salles obscures. La bonne nouvelle étant que l’effet du film perdure longtemps après la projection.