24 Heures de la vie d’une femme
France, 2002
De Laurent Bouhnik
Scénario : Laurent Bouhnik, Gilles Taurand
Avec : Frances Barber, Bérénice Bejo, Nikolaj Coster-Waldau, Agnès Jaoui, Michel Serrault
Durée : 1h45
Sortie : 08/01/2003
Au début du siècle, Marie Collins-Brown, une aristocrate en plein veuvage, va vivre avec Anton, un joueur dégénéré, les vingt-quatre heures les plus intenses de sa vie. Vingt années plus tard, elle raconte son histoire à Louis, un jeune garçon dont la mère vient de disparaître de manière incompréhensible avec un amant. Aujourd’hui, Louis exerce la profession d’ambassadeur, menant une vie faste mais futile, et fait la rencontre d’une jeune femme passionnée à qui il raconte l’histoire de sa vie.
Depuis 1948 et La Lettre d’une inconnue de Max Ophüls, les écrits de Stefan Zweig n’ont plus jamais été adaptés avec réussite sur le grand écran. Il faudra encore patienter. Cette dernière tentative en date par Laurent Bouhnik, le réalisateur de Zonzon, est en effet une large déception à tous les niveaux. Le film n’épargne aucun cliché de l’adaptation sclérosée, donnant libre cours à une structure pénible en flash-back, freinant ainsi la spontanéité de ces rencontres, pourtant censées être transcendées par le désir et la passion dévorante. Pire, le film renforce le trait en proposant pas moins de trois époques différentes, se rejetant l’une l’autre l’écho d’histoires pour le moins anecdotiques et dénuées d’un quelconque sentiment de folie. Cet enchevêtrement de récits au présent et au passé, tout comme pour Rue des plaisirs dernièrement, vient annihiler le caractère exceptionnel des expériences vécues par les personnages. Cette structure en allées et venues entre les époques, si elle parvient à créer une mise en abîme évidente entre certaines situations, ne réussit finalement qu’à étouffer l’émotion de l’œuvre.
Ce que Zweig cherche à dépeindre dans sa nouvelle, c’est cette pulsion insondable qui traverse le corps d’une femme lorsqu’elle rencontre un amour voué à l’échec, et l’effroyable attirance qu’elle peut éprouver pour un homme qui, d’ordinaire, n’aurait jamais eu la faveur d’une attention, ou même d’un regard. Ce besoin d’amour viscéral, dont elle ignorait encore tout une heure auparavant, la consume dans son entier et la rejette au ban de la haute société dont elle fait partie. Ce que le film de Bouhnik raconte en revanche, c’est un aveu d’impuissance devant la mise en images d’une histoire aussi traversée de non-dits. Les personnages ne sont que des fantômes errant de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel, contant des histoires dont ils ont, semble-t-il, oublié tout la saveur et la grâce. Ce n’est hélas que par intermittences que le film prend vie, grâce à des seconds rôles injustement minimisés. Pascal Greggory, malgré une participation de trop courte durée, enveloppe de son ombre les autres personnages présents en quelques répliques. Frances Barber, elle aussi prisonnière d’un rôle secondaire, étincelle par sa justesse et son charisme. A côté d’eux, Agnès Jaoui et Michel Serrault, tous deux mal dirigés, paraissent bien fades, trop.
Pour le reste, Nikolaj Coster-Waldau, aperçu dans La Chute du faucon noir, s’avère sobre et convaincant, à l'opposé de Bérénice Bejo (Meilleur espoir féminin), pour qui jouer la comédie équivaut apparemment à imiter les séries AB Productions de sa jeunesse. La mise en scène de Bouhnik, avec des allures de court-métrage de luxe, et la photographie léchée de Gilles Henry, versent une fois de plus dans l’exagérément stylisé, conférant à l’ensemble un côté clinique mal maîtrisé, qui tire plus du côté publicité toc que d’une œuvre intimiste sur les sentiments amoureux. La musique de Nyman, assez proche de ses tonalités de La Leçon de piano, vient heureusement égayer le tout. Pour mesurer l’étendue de l’échec de Bouhnik, mieux vaut (re)découvrir Le Mari de la coiffeuse de Patrice Leconte. Les réminiscences d’un amour dévorant y sont parfaitement représentées.