2 Days in New York

2 Days in New York
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2 Days in New York
France, 2011
De Julie Delpy
Scénario : Julie Delpy
Avec : Julie Delpy, Chris Rock
Photo : Lubomir Bakchev
Sortie : 28/03/2012
Note FilmDeCulte : *****-
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Marion (Julie Delpy) est désormais installée à New York, où elle vit avec Mingus (Chris Rock), un journaliste de radio, leurs deux enfants qu’ils ont eus de relations antérieures et un chat. Le couple est très amoureux ! Marion est toujours photographe et prépare son exposition. Son père, sa sœur et son petit copain (qui est en fait l’ex de Marion et qui n’était pas prévu du tout) débarquent à New York pour le vernissage. Le choc des cultures mais surtout les personnalités débridées des trois arrivants vont provoquer un véritable feu d’artifice entre Mingus, un vrai « newyorker », Marion disjonctée sur les bords, son père qui ne parle pas un mot d’anglais, sa sœur toujours en phase avec ses problèmes freudiens, et son petit ami… no comment ! Vous pouvez deviner la suite, ou pas…

MIDNIGHT IN NEW YORK

Depuis 2 Days in Paris, presque 5 ans se sont écoulés, et dans ce laps de temps, Julie Delpy a continué à avancer : deux autres réalisations à son actif (Le Skylab, et, juste avant, l'ambitieux La Comtesse), mais aussi la perte de sa mère, Marie Pillet, et la naissance de son fils. C'est donc chargée de toutes ces expériences, professionnelles et personnelles, qu'elle a écrit et conçu cette suite, qui se déroule cette fois à New York. Souhaitant éviter tout parallèle possible avec le diptyque de Richard Linklater, Before Sunrise/Before Sunset, Delpy a choisi de changer le personnage principal masculin : après le tourmenté Jack (Adam Goldberg), place à l'énergique Mingus, interprété par Chris Rock. Le contraste entre les deux hommes est marqué, et bien évidemment voulu ; mais Chris Rock, grand talent de la stand-up comedy à l'américaine, trouve ici aussi, tout naturellement, sa place. C'est encore une fois, comme dans le premier opus, l'histoire de la confrontation entre deux univers, le français et l'américain, le parisien et le new yorkais, la famille et le couple. Cette fois, la visite est inversée : c'est au tour de la famille de Marion (Julie Delpy) de venir lui rendre visite, à New York, où elle vit et travaille. On retrouve des personnages aperçus dans 2 Days in Paris : Rose, la sœur de Marion (Alexia Landeau) et Manu (Alex Nahon), son petit ami – et aussi l'ex de Marion –, mais surtout Jeannot, la superstar du premier volet, toujours interprété par Albert Delpy lui-même. S'amusant une fois de plus avec le choc des cultures, c'est pourtant sur des détails infimes que Delpy construit ses nœuds dramatiques : un interphone qui fonctionne mal, une phrase lancée à une voisine par mauvaise foi, les innombrables quiproquos dus aux traductions approximatives... Toujours très attachée aux petits riens de la réalité, la réalisatrice s'amuse avec toujours plus de talent à en tirer l'absurde d'où pourra sortir la comédie. Si parfois les personnages paraissent un peu trop "hénaurmes" pour être vrais, tout finit par retomber sur ses pattes justement parce que Delpy ne se censure jamais, et semble nous dire : oui, c'est un peu gros, mais regardez autour de vous, est-ce vraiment si exagéré que ça ?

Entre cette belle-famille complètement déglinguée et Marion elle-même, perdue entre son expo de photos à venir, ses questions existentielles et son instabilité émotionnelle renforcée par cet entourage perturbant, Mingus, alias Chris Rock, offre un contrepoint intéressant, qui fonctionne très bien. Plutôt sain d'esprit, à la fois subjugué et dépassé par ces Français ingérables, c'est un personnage terrien et raisonnable, loin d'être parfait, mais qui aide le spectateur à ne pas se faire engloutir par l'hystérie environnante. Cet astucieux équilibre sauve le film des défauts qui habitaient le premier opus. Ici, tout est tout aussi osé, mais se fond mieux dans l'ensemble du film, habilement écrit – à six mains cette fois, Delpy ayant recouru à l'aide de ses partenaires de jeu Alexia Landeau et Alex Nahon pour le scénario. Pour autant, son style ne s'affadit pas, transpirant de l'amour pour ses personnages et pour les deux nations qu'ils incarnent, et gardant des éclats de folie qui lui sont bien personnels. On retrouve ainsi la passion de Jeannot pour les voitures rayées, la liberté de ton concernant la sexualité, la drogue, la politique, et même quelques références un peu geek (Harold & Kumar !). On y rencontre aussi, en caméo, Vincent Gallo, un autre "artiste complet", proche, finalement, de Delpy : réalisateur, acteur, musicien, scénariste, ingénieur du son, entre autres, qui n'avait pas pu se joindre à l'aventure de La Comtesse et qui se rattrape ici, dans son propre rôle, et dans une séquence aux frontières du surréalisme. Si Delpy se met elle-même en scène, c'est pourtant toujours avec une touche d'auto-dérision. On évite ainsi à la fois l’œuvre narcissique et la complainte dépressive : par exemple à travers le "succès", tout relatif, de l'expo photo de Marion. Souvent comparée à Woody Allen, pour leur côté bavard, psychanalytique, et leur façon de disséquer soi-même et les autres, Julie Delpy a pourtant en plus un côté solaire qui, malgré un certain désespoir permanent, anime ses personnages et les rend plus forts.

La ville de New York, quant à elle, passage attendu et obligé, y est filmée avec un regard mi-local mi-touriste, justifié par le scénario mais reflet évident de celui que lui porte Delpy, Française naturalisée Américaine. On a ainsi une séquence très réussie des "Français à New York" où, au lieu de se lancer dans un montage de séquences bateau et cocasses, Delpy choisit de montrer un diaporama très rapide de photos de touristes, comme à la maison (avec même des photos non remises dans le bon sens). Là où le film se distingue de son premier volet, c'est qu'il gagne énormément en profondeur. Si 2 Days in Paris avait des allures de sympathique petite fantaisie bobo névrosée, on monte ici d'un cran, tout en gardant ces éléments fondateurs. C'est d'abord grâce à la présence, discrète, mais essentielle, du fils, celui à qui on doit raconter différemment, celui qui remet tout en question, celui qui change la donne. Mais aussi, et surtout, l'absence réelle et permanente de la mère, gouffre douloureux que Delpy ne cesse d'essayer de combler, et qui finalement devient la présence la plus importante du film. Ce qu'elle a à dire sur le couple, la famille, et la filiation, n'en devient que plus juste et plus touchant.

par Anne Mourand-Sarrazin

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