1917

1917
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1917
États-Unis, 2020
De Sam Mendes
Scénario : Sam Mendes, Krysty Wilson-Cairns
Avec : Benedict Cumberbatch, Colin Firth, Mark Strong
Photo : Roger Deakins
Musique : Thomas Newman
Durée : 1h59
Sortie : 15/01/2020
Note FilmDeCulte : *****-
  • 1917
  • 1917

Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.

LA PETITE GUERRE

Dans Skyfall, plutôt que de surdécouper un combat à mains nues entre James Bond et son adversaire, Sam Mendes choisissait de le filmer en un long plan unique de profil avec un lent travelling s'approchant de ces silhouettes noires sur fond lumineux, cristallisant l'essence même du cinéma d'action en une image expressionniste : deux hommes en pleine bagarre. Dans la suite, le cinéaste renvoyait à La Soif du mal avec un plan-séquence intervenant comme une profession de foi, résumant l'agent secret en une image, un costume, une action. Bond, qui définissait dans le précédent son hobby comme étant "la résurrection", devient la Mort incarnée, une femme à son bras sur son trajet vers une mort de plus. Un spectre. D'une certaine manière, Mendes semblait renouer avec son passé de metteur en scène de théâtre, où il n'y a pas de coupes au sein d'une action, d'une scène. Pour 1917, un film qu'il n'aurait, selon lui, pas pu réaliser s'il n'avait pas tourné ces deux blockbusters, Mendes étend le principe à tout le film et, ce faisant, accouche d'un film de guerre où la façon dont s'entrechoquent le réel et le cinéma créé une expérience, à nouveau après les deux exemples susmentionnés, symbolique.

Comme Steven Spielberg avait écouté son père, survivant de la Seconde Guerre Mondiale, Mendes dit s'être inspiré des histoires que lui racontait son grand-père, vétéran de la Grande Guerre, pour écrire le scénario avec Krysty Wilson-Cairns, une première pour le cinéaste qui a choisi ce film pour expérimenter sur tous les fronts. À ce titre, le dispositif technique a beau singer le réel par son absence de coupes, il se met pour autant au service d'un script qui confère au récit une dimension tropologique. Il ne s'agit évidemment pas du premier film transformant le témoignage d'anciens soldats de divers pelotons en séquences d'un seul et même script mais étant donné qu'il choisit de raconter son intrigue en temps réel, il attribue alors toutes ces anecdotes, vécues par différentes personnes et à différents moments, à un seul et même personnage et dans une unité de temps. C'est là que la réalité se mêle à la fiction, transcendant toute question de crédibilité pour aspirer à un caractère mythique. À l'instar d'un Ad Astra, on est davantage face à une odyssée qu'à du docu-fiction.

Alternant moments de tension à couper au couteau et furtives respirations, l'écriture s'efface de plus en plus derrière la trajectoire sysyphéenne du protagoniste et cette caméra qui le suivra, partout, sans se permettre de couper tant que le personnage est conscient. Et plus il progresse, plus le film se fait figuratif, notamment dans son dernier tiers absolument fou, amorcé par cette incroyable séquence onirique dans une ville en ruines de nuit, éclairée partiellement par des fusées de détresse. Ayant déjà accompagné Mendes sur sa précédente incursion dans le genre, le sous-estimé Jarhead, mais également sur Skyfall, le directeur de la photographie Roger Deakins et le chef décorateur Dennis Gassner font de ce village un purgatoire qui rappelle le rêve récurrent de Valse avec Bachir. À la fantasmagorie de cette scène succède l'emphase du climax, dans lequel le réel vient parfois encore pointer le bout de son nez, quand notre héros court sur le champ de bataille et percute un soldat, mais à ce stade, la nature vériste du plan-séquence et des faits réels s'est définitivement muée en une forme expressionniste, comme un souvenir de la guerre. Un cauchemar. S'il manque à 1917 une couche d'émotion qu'avait par exemple Gravity, l'épreuve a de quoi laisser un stress post-traumatique.

par Robert Hospyan

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