13 hours
13 Hours : The Secret Soldiers of Benghazi
États-Unis, 2016
De Michael Bay
Scénario : Chuck Hogan
Avec : Alexia Barlier, David Denman, John Krasinski, Toby Stephens
Photo : Dion Beebe
Musique : Lorne Balfe
Durée : 2h26
Sortie : 30/03/2016
Benghazi (Libye), 11 septembre 2012. Face à des assaillants sur-armés et bien supérieurs en nombre, six hommes ont eu le courage de tenter l’impossible. Leur combat a duré 13 heures. Ceci est une histoire vraie.
A DATE WHICH WILL LIVE IN INFAMY
Comme son titre l'indique, 13 Hours se veut un compte-rendu exhaustif de la nuit du 11 septembre 2012 et de l'attaque par des insurgés libyens de deux complexes abritant des membres du gouvernement américain à Benghazi. Pour ce faire, le récit adopte le point de vue des anciens soldats devenus membres d'un service de sécurité privée chargés de protéger une annexe secrète de la CIA sur place et, à l'exception d'une exposition un peu longuette mais nécessaire pour présenter convenablement le bordel de la Lybie post-Khaddafi, Michael Bay délaisse quelque peu le calibrage scénaristique qui guide habituellement ses films pour une structure plus proche de Black Hawk Down. C'est en voyant le film épouser ce traitement procédural que le projet du cinéaste apparaît évident : 13 Hours est l'anti-Pearl Harbor. Malgré la présence d'un plan reprenant à l'identique le plus célèbre money shot de son prédécesseur, ce nouveau film de conflit armé inspiré de faits réels s'avère à l'opposé du précédent dans la forme, qu'elle soit narrative ou visuelle. Avec cette approche vériste étonnante, non seulement le cinéaste se concentre sur ce qu'il fait le mieux - dans Pearl Harbor, seules les scènes de bataille étaient réussies - mais il arbore l'histoire avec une humilité et surtout une humanité inattendue. Aussi improbable que cela puisse paraître, 13 Hours est un film d'une relative sobriété, pour du Michael Bay en tout cas, et représente l'hommage ultime de l'auteur à la figure du soldat sacrifié qui incarne toute sa filmographie.
HOME OF THE BRAVE
Par conséquent, il s'agit également du premier film du metteur en scène complètement dénué du cynisme depuis The Island il y a plus de 10 ans. Un retour de Bay au sérieux qui fait plaisir même s'il s'accompagne d'un retour aux scènes honteusement cliché par moments. Si on évite les indigestes images d'Épinal de Pearl Harbor, il reste quelques séquences abusivement mièvres de soldats qui parlent à/de leur famille et les dialogues qui ne semblent pas sortir d'un Manuel du Film de Guerre ne sont pas légion. La caractérisation de l'équipe est tout aussi basique mais les acteurs parviennent à rendre ces archétypes ambulants attachants et même distincts malgré leur ressemblance physique presque délibérément confuse. L'agréable surprise est de constater que, derrière l'étalage viril inhérent au genre, on n'est pas dans le machisme bayien d'autrefois. Ça bande les muscles, ça retourne des pneus de tracteur et ça se balade torse nu et huilé mais ça chiale aussi. Il semblerait qu'après avoir dénoncé la culture du corps dans Pain & Gain, Bay ne pouvait plus se contenter de montrer des surhommes. Le traitement du seul personnage féminin du film laisse clairement à désirer mais c'est tout de même la première fois dans la carrière du réalisateur qu'il ne s'agit pas d'un love interest et/ou d'une bombasse.
LAND OF THE FREE
Cela fait 20 ans que Bay travaille la figure du soldat sacrifié, abandonné par son gouvernement. Depuis son deuxième long métrage, The Rock, avec le Général Hummel et ses hommes tués au combat ou l'espion désavoué John Mason, jusqu'à Optimus Prime, combattant réduit à l'état d'épave dans Transformers, l'âge de l'extinction, en passant par tous les personnages militaires qui peuplent presque chacun des films de l'auteur, Bay a témoigné de son admiration pour ceux qui sont prêt à mettre leurs vies en danger pour une cause plus grande (une qualité qu'il étend même à ses protagonistes civils). 13 Hours est la culmination de cette thématique. Le patriotisme de Bay se situe exclusivement à ce niveau et le discours politique du film est d'ailleurs plus nuancé qu'il n'y paraît et jamais puant comme un Du sang et des larmes ou un American Sniper. Bay prétend que le film est apolitique mais étant donné qu'il adopte le point de vue de l'équipe, il fait tout de même état d'un gouvernement qui a initialement freiné la réponse défensive des américains, d'une sécurité insuffisante, d'un arsenal inadapté mais, et c'est plus surprenant, de la relative inanité de l'interventionnisme et de la présence prolongée de la CIA sur place. La "grande cause" suscitée est donc remise en question et, s'il admire leur sens du sacrifice, Bay montre des soldats qui finissent par réfuter leur crédo initial ("un soldat ne part jamais à la retraite") quand la situation est aussi confuse. Tout le long, les personnages ne savent jamais qui, des autochtones qu'ils aperçoivent autour de leur complexe, est "bon ou mauvais". S'agit-il de membres de la milice 17 février, alliée des américains, ou d'ennemis insurgés? Tout le long, le film constate cette confusion et celle-ci se traduit dans la forme. Et dans l'action.
BAYHEM
Dans l'ensemble, l'approche de Bay, d'accoutumée opératique, se fait ici plus mesurée. Plus humble là aussi. Les scènes bataille spectaculaires de Pearl Harbor vantées plus haut sont bien loin. Cette fois, les mots d'ordres sont chaos et tension. Les mini-set-pieces du premier acte, situés avant l'attaque, annoncent la couleur. Pas d'envolées emphatiques, que des standoffs. Des face-à-face qui risquent de péter à tout moment. Ensuite, il y a la prise du complexe de l'ambassadeur, un premier morceau de bravoure adéquatement chaotique où les assaillants viennent de tous les côtés, où l'on ne sait plus qui est ami, qui est ennemi, qui est où. Un véritable merdier. Un enfer, qui se termine avec cette incroyable fuite en voiture à la violence sans relâche. Comme la version "on rigole plus" de la poursuite de Bad Boys II où ça se balançait des cadavres. This shit just got real. Mais c'est dans la deuxième moitié que Bay fait preuve d'une maîtrise de la montée de tension comme il ne l'avait pas fait depuis un moment. Le film passe en mode Fort Alamo, avec une géographie plus claire et un assaut par vagues qui viennent s'écraser contre le bâtiment, toutes plus dévastatrices et défaites du glamour bayien de jadis. Excepté le plan de la bombe susmentionné, qui fait tâche du coup, il n'y a aucun plan faux aidé assisté par images de synthèse. C'est le premier film que Bay tourne intégralement en numérique, salutaire vu le tournage de nuit, mais c'est son film le plus analogique depuis The Rock. Et les quelques effusions signature du cinéaste, comme certains ralentis bien sentis, ponctuent l'action de façon toujours appropriée. Beaucoup de spectateurs ne trouveront pas leur compte dans cette retenue mais si 13 Hours ne propose rien d'inédit, dans l'écriture ou dans la mise en scène, c'est une intéressante évolution pour Michael Bay. C'est même une maturation.