Wolverine : le combat de l'immortel
The Wolverine
États-Unis, 2013
De James Mangold
Scénario : Mark Bomback, Scott Frank
Avec : Hugh Jackman
Photo : Ross Emery
Musique : Marco Beltrami
Durée : 2h06
Sortie : 24/07/2013
Wolverine, le personnage le plus emblématique de l’univers des X-Men, est entraîné dans une aventure ultime au cœur du Japon contemporain. Plongé dans un monde qu’il ne connaît pas, il doit faire face au seul ennemi de son envergure, dans une bataille à la vie à la mort. Vulnérable pour la première fois et poussé au bout de ses limites physiques et émotionnelles, Wolverine affrontera non seulement l’acier mortel du samouraï mais aussi les questions liées à sa propre immortalité.
SERVAL KILLER
En 1982, Chris Claremont, scénariste émérite de la série continue The Uncanny X-Men, s'associe à Frank Miller, encore jeune auteur devenu célèbre pour son travail sur Daredevil, pour créer la première aventure en solo de Wolverine, dont la célébrité était désormais acquise, dans une histoire en quatre numéros. Ce n'était qu'une mini-série mais c'était le premier spin-off dédié au mutant-phare de la bande-dessinée. Depuis, le personnage a connu bien des aventures loin de son équipe et, non content d'être le protagoniste de la trilogie cinématographique adaptée de la série X-Men, il eut droit en 2009 à son spin-off filmique, le plutôt raté X-Men Origins : Wolverine. Le film de Gavin Hood tombait dans le piège de nombreuses préquelles qui se contentent de lier les numéros comme autant d'étapes obligées et plus ou moins connues du parcours d'un personnage, pour arriver au "présent". Pire encore, le scénario faisait l'erreur de survoler les périodes les plus intéressantes du personnage (l'enfance de Logan, réduite à un prologue, le passage à travers l'Histoire, résumé en un générique). Au-delà de ça, le souci c'est que Hood n'avait rien à raconter. Il est question, à deux ou trois reprises, de la part animale à assumer ou à renier, mais le fond n'est jamais vraiment traité dans cette intrigue qui renvoie davantage à Commando et Rambo II. Soucieux d'effacer le souvenir de ce premier essai, Hugh Jackman voit enfin son voeu exaucé avec un nouvel épisode qui prend comme point de départ l'ouvrage de Claremont et Miller. Toutefois, l'adaptation s'avère finalement très libre. Les personnages et le décor sont les mêmes mais l'intrigue n'a plus grand chose à voir. Néanmoins, ce qu'il reste avant toute chose du matériau de base, c'est le traitement du protagoniste, faisant de Wolverine un ronin, un samouraï sans maître. Lorsqu'il s'attarde sur le décorum et le protagoniste, The Wolverine (oublions ce titre français pour débiles) parvient à se faire pertinent, et surtout original. Malheureusement, dès lors qu'il dévie trop grandement de sa source d'inspiration, l'exercice se vautre dans la faute de goût et le hors sujet.
Contrairement à la BD, dont l'action était située dans le présent de la série X-Men, James Mangold choisit de situer l'action après le dernier volet de la trilogie cinématographique, isolant Logan, ce qui lui permet d'attaquer de plein fouet le caractère tragique de la nature du personnage : son immortalité, qui le destine à voir tous ceux qu'il aime mourir. L'arc traité par Bryan Singer sur ses deux premiers films voyait Logan abandonner son mode de vie solitaire - et donc son obsession pour résoudre le mystère de son passé oublié - et choisir une famille d'adoption. Son arc sur le troisième film l'amenait à tuer celle qu'il aime. Dans The Wolverine, on le retrouve donc tel un ronin, un homme sans raison de vivre. L'adaptation ne porte donc pas sur l'honneur perdu et à reconquérir, comme le faisait le roman graphique, mais sur cette quête d'une raison de vivre pour un homme immortel. Dans ce cadre, l'idée, rajouée par Mangold et ses scénaristes, de faire perdre ses pouvoirs au personnage fait sens. Logan aspire-t-il à la mortalité ou donnera-t-il un sens à son immortalité? A l'inverse de Gavin Hood, James Mangold a une histoire à raconter et parvient du coup à incarner son film. Tout ce qui touche à ce propos est réussi. On pourra rire de toutes les références revendiquées par le cinéaste, d'Ozu à Wong Kar Wai en passant par Chinatown et Josey Wales Hors-la-loi, Mangold parvient quand même à composer non seulement ce que l'on appelle communément un "vrai film", mais surtout à lui donner une identité propre. Dans l'esthétique comme la thématique, l'approche tranche avec les précédents films de la franchise. Et ce changement fait franchement plaisir. Rien que le décorum, avec ses pagodes et ses panneaux japonais, ou les costumes, avec ce Wolverine en costard, apportent un peu de fraîcheur à une saga qui en est somme toute à son sixième épisode. Le metteur en scène prend son temps, pose son univers, et pendant tout le premier acte, ça fonctionne à merveille.
SNIKT AMER
Par la suite, malheureusement, le film devient plus inégal. L'intrigue n'est définitivement pas le plus gros atout du film. Le classicisme du récit ne gêne pas, au contraire. L'échelle relativement petite du film - qui ne coûte "que" 100 millions - parvient à le distinguer au milieu des grosses machines de cet été. Cependant, le film n'assume en fin de compte pas totalement cette épure. Le deuxième acte tient encore la route, principalement parce qu'il suit la relation entre Logan et la ravissante Mariko, et qu'on reste dans un univers de samouraï, de yakuza et de ninja qui présente un registre assez original pour Wolverine. Par ailleurs, les quelques concessions au genre du blockbuster sont plutôt bien intégrées, comme ce combat sur le toit du train aperçu dans la bande-annonce, qui semblait faire trop gros mais s'avère assez réussi, avec son absence de musique, son côté brut. D'ailleurs, bien qu'il ne soit pas classé R aux USA, le film parvient à surprendre quelque peu au niveau de la violence. On retrouve un Logan expéditif et sec, comme dans un film des années 70, pas le Wolverine bêtement bourrin et '80s du film de Gavin Hood. C'est aussi le premier film de la licence où l'on voit les griffes de Wolverine aussi fréquemment couvertes de sang. C'est un détail, mais ça joue énormément. On aurait rêvé d'un film qui assume ce parti-pris à 100%, un vrai polar avec yakuza, sang, et pas de "scènes d'action" dans le sens où Hollywood l'entend. Mangold n'y est de toute façon pas vraiment à l'aise et semble en être conscient la plupart du temps. Du moins, il l'est avant le troisième acte...et c'est là que le bât blesse.
Il y a des défauts dans tout ce qui précède - la perte des pouvoirs ne sert à rien finalement, Logan prenant plein de balles et de coups sans aucune réelle incidence - mais ces 20 dernières minutes sont assez symptomatiques de tout ce qui se révèle foireux dans le film. Sans surprise, ça tient globalement à tous les éléments qui ont été grossièrement ajoutés au récit original. Évidemment, il s'agit d'éléments qui sortent du polar yakuza et donnent dans la science-fiction et le "film de mutants", comme si l'équipe créatrice avait soudainement pris peur que le film soit trop différent des précédents X-Men. Le scénario ne semble pas assumer la simplicité de la BD de Claremont et Miller (et du scénario original de Chris McQuarrie, visiblement, car il n'est plus crédité), avec ses histoires de castes japonaises et ses gangs, et essaie de créer une intrigue faussement alambiquée qui n'a pour seule conséquence que de rendre les machinations des méchants floues. De plus, en cherchant à composer des antagonistes plus "BD/X-Men", le film accouche d'un personnage complètement raté qui détonne sévère avec le reste (Viper) et d'une réinterprétation foireuse d'un autre, tout aussi inutilement inclus (Silver Samurai). De la même manière, le film n'assume pas non plus de ne pas faire un gros climax de blockbuster et la surenchère fait tache, rabaissant le film vers la plus vulgaire des séries B. Passons également sur le twist prévisible qui finit d'achever l'inintérêt de cette trame superflue. Bien meilleur que son prédécesseur, mais pas du niveau des meilleurs épisodes de la série, The Wolverine témoigne tout de même de vrais efforts, de vrais parti-pris, d'idées couillues. Le film est bardé d'images iconiques, porté par un Hugh Jackman toujours parfait, et propose même une séquence post-générique satisfaisante, mais demeure malheureusement parasité par des éléments qui plombent tout ce que le film réussit.