Victoria
France, 2016
De Justine Triet
Scénario : Justine Triet
Avec : Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud
Durée : 1h35
Sortie : 14/09/2016
Victoria Spick, avocate pénaliste en plein néant sentimental, débarque à un mariage où elle y retrouve son ami Vincent et Sam, un ex dealer qu’elle a sorti d’affaire. Le lendemain, Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime. Victoria accepte à contrecœur de défendre Vincent tandis qu'elle embauche Sam comme jeune homme au pair. Le début d’une série de cataclysmes pour Victoria.
FILLE DIFFICILE
Dans son premier long métrage, La Bataille de Solférino, Justine Triet ruait dans les brancards de la fiction et du documentaire mélangés avec un résultat bouillonnant et étonnant. La forme cinématographique de Victoria, sa nouvelle comédie, parait plus conventionnelle, mais le film possède bien ce je-ne-sais-quoi de funambule et distinctif. Les ingrédients de la comédie-romantique-de-trentenaires paraissent pourtant sagement respectés: une héroïne gentiment larguée, des prétendants amoureux, des péripéties cocasses et des malentendus, des échanges volubiles sorties d'un slapstick, etc. Mais il y a plusieurs mais, et chacun vient rendre Victoria plus retors et curieux que prévu. Des grains de sables viennent gripper les rouages attendus: un couple en apparence parfait où se cache les névroses les plus violentes, un procès où, malgré la gravité des faits, on écoute les témoignages d'un chien et d'un singe... Ces virages brefs et secs sur les rails de la comédie donnent à Victoria un équilibre propre, quelque part entre humour absurde et le début de malaise. Quand Victoria se confie en vrac à son médecin, son psy, sa voyante (le tout enchaîné dans une même séquence), faut-il en rire ou au contraire s'inquiéter pour sa santé psychique?
Victoria possède quelque chose de commun avec certaines comédies américaines contemporaines, notamment celles du mumblecore: les angoisses des personnages génèrent des scènes comiques très rythmées mais rendent aussi pathétiques et presque angoissants leurs tourbillons existentiels. Victoria est douée et brillante, elle n'est pas du genre à se laisser abattre, et pourtant à plusieurs moments, on se surprend à se demander si elle n'est pas complètement dépressive. Rire avec la dépression ? Peu de cinéastes y parviennent, et en France, peu essayent. Justine Triet manie le grand écart avec brio. Virgine Efira brille dans les moments comiques grâce à un jeu paradoxalement très sobre (un contre-pied bienvenu). Face à elle, l'exaltée et hilarante Laure Calamy parvient à lui voler la vedette dès qu'elle apparaît à l'écran. Toujours en équilibre entre la folie douce et la folie tout court, entre le film de procès et la comédie de la lose, Victoria est un drôle de film, jamais exactement là où on l'attend.