Vaiana, la légende du bout du monde

Vaiana, la légende du bout du monde
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Vaiana, la légende du bout du monde
Moana
États-Unis, 2016
De Ron Clements, John Musker
Scénario : Jared Bush
Avec : Jemaine Clement, Dwayne "The Rock" Johnson
Musique : Mark Mancina
Durée : 1h47
Sortie : 30/11/2016
Note FilmDeCulte : ******
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Il y a 3 000 ans, les plus grands marins du monde voyagèrent dans le vaste océan Pacifique, à la découverte des innombrables îles de l'Océanie. Mais pendant le millénaire qui suivit, ils cessèrent de voyager. Et personne ne sait pourquoi... Vaiana, la légende du bout du monde raconte l'aventure d'une jeune fille téméraire qui se lance dans un voyage audacieux pour accomplir la quête inachevée de ses ancêtres et sauver son peuple. Au cours de sa traversée du vaste océan, Vaiana va rencontrer Maui, un demi-dieu. Ensemble, ils vont accomplir un voyage épique riche d'action, de rencontres et d'épreuves... En accomplissant la quête inaboutie de ses ancêtres, Vaiana va découvrir la seule chose qu'elle a toujours cherchée : elle-même.

LA MAGIE DES TITANS

On peut parler de formule autant qu'on veut, quand l'exécution est aussi réussie, on ne voit plus les coutures, on se laisse porter. Parce que même après 70 ans d'expérience, on ne fait pas des films comme des recettes Tasty : c'est pas parce qu'on utilise tous les ingrédients nécessaires que le résultat est bon. Enchanteur de la première à la dernière minute, Vaiana est une petite bombe. Pour leur premier film d'animation en images de synthèse, les célèbres John Musker et Ron Clements, duo chouchou du studio, signent en quelque sorte leur film-somme, où le recyclage d'archétypes et stéréotypes de jadis se fait toujours avec sens, dans une oeuvre qui explore une fois de plus un nouvel univers et s'inscrit thématiquement et esthétiquement dans la Seconde Renaissance Disney depuis l'arrivée de John Lasseter à la tête de la compagnie.

Il faut reconnaître à Disney d'avoir cherché à faire visiter différentes cultures au public, s'éloignant petit à petit des contes et légendes du Vieux Continent pour s'intéresser à des histoires venues d'ailleurs. Si Le Livre de la jungle est le premier à s'aventurer hors du monde occidental en 1967, il faut attendre Aladdin en 1992 pour voir l'adaptation d'un texte dont la langue originale n'est pas européenne et c'est avec Pocahontas qu'ils commencent à traiter un peu plus en profondeur d'autres civilisations. D'autres exemples ont suivi, plus (Kuzco) ou moins (Mulan) superficiellement, et même lorsqu'ils restent chez eux, ils vont fureter un peu partout (Hawaï pour Lilo & Stitch, le bayou pour La Princesse & la grenouille). Non seulement cela apporte un peu de nouveauté à des récits mille fois vus mais de plus, cette quête de représentativité est plutôt admirable. L'avantage de l'animation, c'est de pouvoir outrepasser tous les soucis de casting et de whitewashing qui deviennent, à juste titre, un problème de plus en plus important à Hollywood. L'animation semble également être le dernier bastion pour des blockbusters originaux. La marque, c'est Disney donc pas besoin de chercher à adapter une licence. En partant étudier le folklore polynésien, Musker & Clements, à l'origine du projet, proposent quelque chose de frais, un film de princesse mais pas un conte de fée. Vaiana est un vrai film d'aventures.

En l'état, c'est déjà un message. Rares sont les Disney avec un personnage principal féminin qui ne sont pas des contes de fées. Continuant dans la veine de modernité qui parcourt la filmographie de la boîte depuis La Princesse & la grenouille et Raiponce, Vaiana n'est pas aussi iconoclaste que La Reine des neiges mais demeure progressiste dans son choix de ne pas définir sa princesse au travers de son rapport amoureux avec un homme. Même Mulan la guerrière a un love interest. Ici, la question ne se pose même pas. Comme dans Zootopie, le personnage masculin est un partenaire, un égal. À l'instar du personnage de George Clooney dans Tomorrowland (également produit par Disney), il a certes un côté mentor mais uniquement pour que l'héroïne puisse mieux revendiquer son droit à la connaissance et au leadership en apprenant à naviguer, savoir de ses ancêtres que leurs descendants ont choisi d'oublier par peur. Ce personnage masculin, parlons-en. Version plus arrogante du Génie, avec le même goût pour la métamorphose, et du demi-dieu Hercule, les tatouages remplaçant les peintures sur vase pour narrer ses exploits passés, Maui est un pur personnage muskeroclementsien avec le même cocktail de charisme et de sympathie qui caractérise l'acteur choisi pour le doubler, Dwayne Johnson. Que ce soit dans ses conversations avec sa conscience tatouée ou dans ses transformations, notamment lors du climax, il symbolise à lui seul toute l'inventivité, tant formelle que narrative, qui sert de signature aux cinéastes.

Sa chanson, "You're Welcome", est sans aucun doute la plus entraînante et la plus riche d'un point de vue visuel, un concentré de bonne humeur signé Lin-Manuel Miranda, nouveau prodige de la comédie musicale fraîchement auréolé du Prix Pulitzer pour son Hamilton sur Broadway, qui revisite l'Histoire des États-Unis par le biais du hip hop. Le film ne compte pas moins de dix chansons - que les allergiques soient rassurés, certaines sont très courtes, notamment les chants polynésiens qui s'apparentent davantage à de la BO - variées et géniales. La "chanson de l'objectif" "How Far I'll Go" nous transporte, celle des ancêtres "We Know the Way" donne des frissons, et le film ne fait pas l'erreur d'abandonner les chansons à mi-parcours et balance des reprises pile quand il faut dans le dernier tiers pour faire jaillir l'émotion. Même un morceau objectivement inutile comme "Shiny", chanté par un des antagonistes, s'avère réjouissant, non seulement dans sa composition mais également par le second degré de la réplique qui l'introduit.

Contrairement à certains Disney, le film fait attention à ne pas jouer sur des gags anachroniques - on n'en compte qu'un - et dose savamment ses quelques pointes d'humour méta, commentant certains des codes du genre (princesse, sidekick animalier, Élue, chanson) et laissant la comédie naître des situations tout en s'appuyant juste ce qu'il faut sur du bestiau débile (vive Heihei le coq). Le reste du temps, sans jamais être niais ou culcul, le film reste heureusement fort premier degré, charriant tout le gravitas nécéssaire pour accoucher de moments de magie pure. Une vision par-ci, une apparition par-là... Visuellement, c'est ce que Disney a fait de plus beau depuis Raiponce. Au niveau des textures, des couleurs, de la lumière, c'est tout simplement à tomber. Même quand on ne rit pas, on garde le sourire constamment accroché aux lèvres, jusque dans les moments qui mettent les larmes aux yeux, parce que le film est un pur plaisir, quand il est drôle, quand il est beau...mais aussi quand il est badass! Une scène d'action démente fait ouvertement référence à Mad Max et l'ensemble ferait presque office de Choc des Titans/Colère des Titans réussi, notamment dans le climax. Ce dernier a en plus l'audace de se conclure de manière inattendue et émouvante, avec un dénouement en parfaite cohérence avec l'arc du protagoniste, réussissant à incarner de façon très jolie un propos somme toute éculé. Si l'on ne trouve pas ce que son coeur veut, on dépérit. Croisement entre leurs deux meilleurs films que sont La Petite sirène et Aladdin, Musker & Clements font de Vaiana une petite merveille.

par Robert Hospyan

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